Spécialiste de l’histoire de l’Italie du XXe siècle, Frédéric Le Moal a publié une Histoire du fascisme dans laquelle il met en évidence les références à la Révolution française de ce mouvement qu’on nous présente à tort comme conservateur et réactionnaire.
Les fascistes italiens et leurs chefs, Mussolini en tête, ne se sont en effet jamais considérés comme conservateurs, encore moins réactionnaires, mais comme révolutionnaires, socialistes et antimonarchistes. Leur mouvement, loin d’appartenir au monde des anti-Lumières, puise au contraire dans la philosophie de Rousseau et se veut l’héritier de la Révolution française, se référant particulièrement à son expérience jacobine, surtout à son origine et dans son dernier avatar de la République sociale italienne (plus connue sous le nom de République de Salò) : politique de la table rase visant à la création d’un homme nouveau, hostilitéà l’Église, éducation des enfants qui doivent appartenir à l’État, comme l’ont énoncé Saint-Just en 1793 et Mussolini en 1929, etc.
S’il s’est toujours considéré comme un républicain convaincu et un socialiste, le Duce n’en était pas moins un pragmatique, conscient que la conquête du pouvoir passait nécessairement par un compromis avec les monarchistes (lui qui, lorsqu’il était président du Conseil, détestait devoir rester trois pas en arrière du roi Victor-Emmanuel III) et avec l’Église. La signature des accords de Latran en 1929 suscita d’ailleurs une vive opposition des fascistes radicaux viscéralement anticléricaux.
Ces compromis n’étaient plus de mise au temps de la République de Salò. La référence à l’expérience jacobine s’y exprima à nouveau dans un texte daté du 27 juin 1944, dans lequel Mussolini appellait ses troupes àéradiquer la « Vendée » concentrée dans le Piémont (la région de Turin), accusée d’être monarchiste et traître à la révolution nationale fasciste, tout comme les bolcheviques réclamaient en 1920-1921 la destruction de la « Vendée de Tambov ».
La Vendée apparaît décidément comme l’ennemie de tous les totalitarismes.
Frédéric Le Moal, Histoire du fascisme, Éditions Perrin, avril 2018, 432 pages, 23 €.