Les campagnes des armées révolutionnaires en Italie de 1796 à 1798, et la création de « républiques sœurs » associées à la France, ont suscitéçà et là des mouvements de résistance anti-révolutionnaire qui s’apparentent parfois à la Vendée de 1793. Et c’est un officier français chargé de réprimer les insurgés entre Rome et Naples qui le reconnaît lui-même.
Les Mémoires d’Armand d’Allonville (1) se font l’écho de cette révolte contre les armées du Directoire :
« Déjà venait d’éclater contre les troupes françaises qui occupaient la nouvelle république romaine (2) une furieuse insurrection dans le département du Circeo (3) ci-devant la campagne de Rome, le pays le plus limitrophe du royaume de Naples. Ferentino et Frosinone en devinrent le foyer. Le général de division Macdonald (4) marcha de Rome contre les insurgés : il les attaqua dans les montagnes, les battit, les mit en fuite et leur enleva Ferentino. La ville de Frosinone, bâtie sur un rocher escarpé et défendue avec la plus grande vigueur fut enlevée de vive force. “C’est une insurrection de prêtres et de fanatiques”, mandaient les généraux français à leur gouvernement (…)
Terracine, un autre foyer d’insurrection, fut également emporté d’assaut, après un violent combat par le général Macdonald. Cette dernière victoire rendit les Français maîtres absolus du pays. Mais comme les insurgés, après leur défaite, cherchaient à se rallier dans les montagnes, sur la frontière de Naples, les autorités de la nouvelle république romaine imputèrent ouvertement à la cour des Deux-Siciles le dessein de fomenter entre Naples et Rome ce qu’on appelait dans le pays même une nouvelle Vendée. Ces événements marquèrent la fin du mois de juillet (1798) » (5)
« C’est absolument la Vendée ! »
D’Allonville ne se trouvait pas sur place pour rendre compte de cette insurrection. Il a peut-être puisé dans la correspondance militaire du commandant Girardon (6) qui prit une part active aux campagnes de 1798 en Italie centrale. Cet officier reçut l’ordre du général Macdonald, le 27 juillet de cette année, de marcher contre les insurgés du Circeo et de leur infliger « une horrible leçon ». À la tête d’une colonne mobile de 1.200 hommes, principalement des Polonais, et de cent cavaliers, il s’empara en seulement cinq jours des villes rebelles et écrivait, au soir du 2 août : « La malheureuse guerre du Circeo est terminée ». En réalité, elle se prolongea jusqu’à la chute de la république romaine en septembre 1799 (7).
En ce qui concerne sa référence à la Vendée, d’Allonville n’a pas été fidèle aux écrits de Girardon. Le commandant républicain écrit en effet au général Macdonald, 11 thermidor an VI (29 juillet 1798) :
«Le caractère de l’insurrection est sérieux : c’est le fanatisme qui l’alimente, mais les ex-nobles sont à la tête et, pour exciter le peuple, ils ont répandu que la France était en guerre avec l’Empereur, que les Anglais étaient à Civita Vecchia, enfin que les Français avaient abandonné l’Italie (…) Je n’ai point de données sur le nombre des Rebelles : c’est tout le pays ; les bois en sont pleins. C’est absolument la Vendée ! »
Cette formule choc a d’ailleurs été choisie comme titre, en français, d’un ouvrage italien rédigé par Luca Topi sur le soulèvement du Circeo : « C’est absolumment la Vandée (sic) » : l'insorgenza del Dipartimento del Circeo (1798-1799), paru en 2003.
Notes :
- Armand-François d’Allonville (1764-1853), officier royaliste auteur de Mémoires (voir note 5).
- Après la prise de Rome par les troupes françaises commandées par le général Berthier, le 11 février 1798, et la déportation du pape Pie VI, fut créée une république romaine, composée de huit départements.
- Ce département créé au sud de la république romaine devait son nom au Mont Circeo. Il avait pour chef-lieu la ville d’Anagni.
- Étienne-Jacques-Joseph-Alexandre Macdonald (1765-1840), officier dans l’armée du Nord sous la Révolution, fut promu général de division en 1795, servi dans l’armée d’Italie et fut nommé gouverneur de Rome en 1798. Il poursuivit sa carrière sous l’Empire et fut nommé maréchal à Wagram en 1809.
- Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État…, 1832, t. VI, pp. 430-431.
- Antoine Girardon (1758-1806) fit carrière dans le métier des armes sous l’Ancien régime et la poursuivit sous la Révolution. Il fut promu général de brigade en 1799 après ses succès militaires dans les États pontificaux et à Naples.
- G. Segarini et M.-P. Critelli, Une source inédite de l’histoire de la république romaine : les registres du commandant Girardon, 1992, p. 250.