Lorsque le représentant du peuple Francastel arriva à Angers, en octobre 1793, il s’installa à l’hôtel de Maquillé, dans la rue du Cornet. L’endroit devint dès lors pour cette ville « le foyer du terrorisme » d’où partaient les ordres pour des exécutions et des massacres de grande ampleur. Il fut aussi – la chose est sûrement liée – le lieu d’une consommation effrénée de vin.
L'hôtel de Maquillé, rue du Cornet à Angers (photos Wikipédia)
C’est ce qu’on apprend dans un article du chanoine Rondeau sur l’hôtel de Maquillé (1). Saisi comme bien d’émigré, ce bâtiment fut occupéépisodiquement par des militaires, mais aussi par le comité révolutionnaire d’Angers (2). Quand Marie-Pierre-Adrien Francastel, député de l’Eure, envoyé en mission dans l’Ouest le 13 octobre 1793, arriva dans le chef-lieu du Maine-et-Loire, il s’établit dans cet hôtel et de là fit régner la Terreur pendant plusieurs mois.
On amenait nombre de prisonniers réputés « brigands » dans la cour du représentant Francastel, d’où ils étaient envoyés, escortés de gendarmes, vers le port de l’Ancre au bord de la Maine, « qui n’est pas à une demi-portée de fusil de la maison qu’il habitoit », ce qui permettait au représentant du peuple d’entendre les coups de feu des pelotons et les cris des suppliciés (3).
1.974 bouteilles de vins délivrées au représentant Francastel
L’article du chanoine Rondeau met en lumière un point important pour saisir le climat qui régnait alors dans les milieux révolutionnaires :
« Ces hécatombes et ces scènes de carnage n’empêchaient pas Francastel et consorts de mener joyeuse vie dans leur somptueux hôtel de la rue du Cornet. Le 15 brumaire an II (5 novembre 1793), le notaire Brevet livrait, pour la consommation des représentants du peuple, 200 bouteilles de vin rouge (…) provenant des caves de Mme de Villoutreys ; dix jours après, 150 autres de même vin et le 8 frimaire (28 novembre) 50 nouvelles.
D’autre part, le 26 germinal an III (15 avril 1795), le Directoire du Département signalait à la commission des revenus nationaux une somme de 5.206 livres 19 sols 3 d. à faire rentrer pour le prix de 1.974 bouteilles de vins, provenant de différentes caves d’émigrés et délivrées au représentant Francastel, du 15 brumaire du 26 nivôse (du 5 novembre 1793 au 15 janvier 1794), soit dans l’espace de deux mois et quelques jours. Ces messieurs tenaient à prouver qu’ils étaient autre chose que des buveurs de sang. »
Notes :
- Chanoine Rondeau, L’hôtel de Maquillé, résidence de Francastel à Angers, pendant la Terreur, mémoires de la Société nationale d’Agriculture, Sciences & Arts d’Angers, t. XVII, 1914, pp. 7-29.
- Le comité révolutionnaire, qui tenait ses séances près de là, dans l’hôtel de Villemorge, obtint de la municipalité d’Angers, en septembre 1793, l’autorisation de s’installer l’hôtel de Maquillé, occupé précédemment par le général Dutruy. Dès l’arrivée de Francastel, le comité déménagea à l’Évêché où il siégea jusqu’en mars 1795.
- Un autre lieu sera choisi à l’écart de la ville début 1794 pour des exécutions plus massives, l’enclos de la Haie-aux-Bonshommes, à Avrillé.