Le soulèvement vendéen du printemps 1793, les combats qui s’ensuivirent et la campagne de destruction que les républicains menèrent en représailles affectèrent naturellement la tenue de l’état civil sur tout le territoire insurgé. Il faudra plusieurs années pour en rétablir les registres, au grand désespoir des généalogistes.
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Clik here to view.En juillet 1794, le département du Maine-et-Loire arrête que l'état civil
sera rétabli dans les communes touchées par la Guerre de Vendée
(Les Affiches d'Angers, 12 thermidor an II, A.D. 49)
Après le transfert des registres paroissiauxà l’état civil municipal à la fin de l’année 1792, un brutal coup d’arrêt à la tenue des actes de naissances, mariages et décès peut être observé vers mars 1793 dans la plupart des communes de la Vendée insurgée. La situation se rétablit en octobre, en raison de la reprise en main de ce territoire par les républicains et du rétablissement des municipalités, du moins jusqu’à la « promenade militaire » des Colonnes infernales qui finira de semer le chaos. Les généalogistes parviennent parfois à combler les lacunes grâce aux registres clandestins tenus par des prêtres réfractaires, mais cet état civil très parcellaire posait déjà problème à l’époque.
Le département du Maine-et-Loire, particulièrement touché par cette guerre, s’inquiéta de cette situation et prit un arrêté le 3 thermidor an II (21 juillet 1794). On ne sera pas surpris qu’il fasse porter la responsabilité des incendies et des décès aux seuls Vendéens :
Le département de Maine-et-Loire considérant que les brigands de la Vendée, dans leurs courses vagabondes, ont incendié, dans un grand nombre de communes du département, les registres d’actes de naissance, mariages & sépultures, ouverts depuis le premier janvier 1793 (vieux style) ;
Considérant que, dans les différentes actions contre ces brigands, il a été tué un grand nombre de citoyens dont les décès, d’abord constatés, ne laissent plus de traces, par l’incendie des registres ; qu’il en est d’autres dont il n’a été fait aucun enregistrement ; qu’il faut le concours de tous les citoyens qui ont connaissance des faits (…) ;
Considérant qu’il importe à l’ordre public, à l’intérêt de la société, de ne pas laisser d’incertitude sur l’état civil des citoyens ; qu’il peut en résulter des suites désastreuses pour les familles (1) ; arrête :
Article I – Les municipalités du département dont les registres de l’année 1793 (vieux style), ou tous autres, dont le dépôt n’aurait pas été fait au tribunal du district ont été incendiés par les brigands, seront tenues d’en ouvrir sur-le-champ de nouveaux (…) ;
Article II – Les citoyens intéressés à faire constater des naissances, mariages & sépultures, se présenteront à leur municipalité, avec deux parens (sic), ou deux témoins, pour y faire leur déclaration, qui sera enregistrée par l’officier public (…). (2)
L’arrêté ne fut bien évidemment pas suivi d’effets immédiats, car les « brigands de la Vendée » restaient encore maîtres de la plus grande partie des Mauges et la guerre était loin d’être terminée.
Bonaparte restaure l'état civil
Il faut attendre le Consulat pour que le gouvernement de Bonaparte ordonne l’établissement de « listes chronologiques des naissances, mariages et décès, dont les actes ont été perdus ou détruits pendant la guerre civile, depuis le premier janvier 1789, jusqu’au premier vendémiaire an neuf » (23 septembre 1800).
Sur celles de Gesté, on peut lire des notes du maire qui en précise la date (orthographe conservée) : « Nous maire, d’après les ordres du préfet et sous préfet en datte du vingt-un nivose an neuf (11 janvier 1801), qui ordonnent la formation des présentes listes, lesquels ordres avons lue publiées et affichées le 30 nivose an 9, invitons nos concitoyens a se conformer au bienfaisance du gouvernement et a se rendre de suitte chez l’officier public pour y faire inscire les actes civilles de leurs familles depuis 1789… »
À partir de 1801, l’état civil est enfin généralement rétabli sur l’ancien territoire insurgé.
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Clik here to view.En-tête de la liste chronologique des mariages à Gesté pour l'année 1793
(A.D. 49)
Note :
- On le comprend en matière de succession.
- Les Affiches d’Angers, 12 thermidor an II (30 juillet 1794), A.D. 49. L’expression « vieux style » (ou « style esclave ») désigne, pour les révolutionnaires, les dates du calendrier grégorien.