Le vandalisme révolutionnaire s’est exprimé de la manière la plus enragée lors de la profanation des sépultures royales dans la basilique de Saint-Denis, principalement en octobre 1793. De ces destructions qui devaient faire disparaître les derniers restes des rois de France subsistent quelques vestiges, comme ces poils de barbe d’Henri IV.
Cadre reliquaire contenant des poils de barbe attribués au roi Henri IV
en vente à Drouot le 19 septembre 2019
C’est un curieux lot proposé dans le catalogue d’une vente aux enchères d’armes anciennes et souvenirs historiques : des « poils de barbe attribués au Roi Henri IV provenant de M. Jean-Augustin Capperronnier, conservateur des livres imprimés du Roi Louis XVIII ».
Au dos de ce petit cadre reliquaire figure une notice : « Barbe du grand Henry IV roi mort en 1610 à l âge de 57 ans. Elle fut donnée à Mr J, Atin, Cappronnier, ader (administrateur) et conserver (conservateur) de la Bibliothèque du Roi Louis XVIII. Par son collègue M. Langlès (1), qui au moment de la violation des tombeaux des rois à St Denis, en était alors le gardien nommé par la Convention nationale, n ayant pu en empêcher la profanation (mot illisible) en grâce, une pincée de cette barbe, dont cette partie a été donnée par lui-même à son intime ami et collègue M. Cappronnier, mort conser (conservateur) le mois de novembre 1820 à Paris ».
La notice au dos du cadre reliquaire
La profanation de la tombe d'Henri IV
Cette violation de tombeaux des rois et reines de France de Saint-Denis (commune rebaptisée « Franciade » sous la Révolution) eut lieu d’août 1793 à janvier 1794, bien que le plus grand nombre de profanations se fussent concentrées en octobre. La sépulture d’Henri IV fut profanée le samedi 12 de ce mois.
Ce jour-là, « on a ouvert le caveau des Bourbons, du côté des chapelles souterraines, et l'on a commencé par en tirer le corps de Henri IV, mort en 1610, à l'âge de 57 ans, ainsi que l'annonçait la plaque de cuivre posée sur son cercueil. Le corps de ce prince s'est trouvé dans une telle conservation, que les traits de son visage n'étaient point altérés. Il fut déposé dans les chapelles basses, enveloppé dans son suaire, qui était également conservé. Chacun eut la liberté de le voir jusqu'au lundi matin 14 (2), qu'on le porta dans le chœur, au bas des marches du sanctuaire, où il est resté jusqu'à deux heures après midi ; il fut transporté de là dans le cimetière dit des Valois, puis jeté dans une grande fosse creusée dans le bas, à droite, du côté du nord, et remplie de chaux (…).
La dépouille d'Henri IV exposée pendant deux jours après sa profanation
en octobre 1793 (illustrations extraites du livre de Max Billard,
Les tombeaux des rois sous la Terreur, 1907)
Un soldat qui était présent, mû par un martial enthousiasme au moment de l'ouverture du cercueil, se précipita sur le cadavre du vainqueur de la Ligue, et, après un long silence d'admiration, il tira son sabre, lui coupa une longue mèche de sa barbe, qui était encore fraîche, et s'écria en même temps, en termes énergiques et vraiment militaires : Et moi aussi je suis soldat français ! Désormais je n'aurai plus d'autre moustache. Et, plaçant cette mèche précieuse sur sa lèvre supérieure : Maintenant je suis sûr de vaincre les ennemis de la France, et je marche à la victoire ! » (3)
Ce cadre reliquaire est proposéà la vente (lot n°57) le jeudi 19 septembre 2019, à 14h00, à Drouot. Il est estiméà 6.000/8.000 €. La gloire du roi Henri IV semble impérissable !
Notes :
- Louis Mathieu Langlès (1763-1824), membre de l’Institut, participa en 1793 à la commission temporaire des arts qui permit à nombre d’œuvres d’échapper au vandalisme révolutionnaire. Il fonda l’école spéciale des langues orientales. Il fut conservateur des manuscrits orientaux du Roi sous la Restauration, poste qu’il occupait en 1792.
- « On le dressa contre un pilier, au bas des marches de la crypte où il demeura jusqu’au 14 octobre. Chacun eut la liberté de venir le contempler »… et peut-être se servir en poils de barbe comme reliques (Max Billard, Les tombeaux des rois sous la Terreur, 1907, p. 44).
- Georges d'Heylli, Les tombes royales de Saint-Denis, 1872.