J’ai décrit ici le contexte et le déroulement de la bataille qui eut lieu à Martigné-Briand et Chavagnes le 15 juillet 1793. Ce fut une victoire pour les républicains, certes de courte durée, puisque ceux-ci furent écrasés trois jours après à Vihiers. Mais Martigné fut aussi le théâtre d’un second affrontement, le 11 septembre suivant, qui cette fois donna clairement la victoire aux Vendéens.
Une belle demeure de Cornu, village par où l'armée commandée par La Rochejaquelein est passée à la seconde bataille de Martigné
Dans la description qu’il fait de la bataille de Martigné, le 15 juillet 1793, Bourniseaux rapporte qu’à cette occasion « M. de Larochejacquelin est grièvement blesséà la main » (1). Or il se trompe de date. Si Henri de La Rochejaquelein a bien été blessé en combattant à Martigné, ce n’est pas le 15 juillet, mais le 11 septembre. Car il eut bien deux batailles distinctes dans cette même commune.
La seconde, moins connue, est aussi nettement moins documentée. Du côté républicain, le compte rendu qu’en fit le général Rossignol, commandant en chef de l’armée des Côtes de La Rochelle, au ministre de la Guerre, a disparu. Il n’en reste, aux Archives de Vincennes, que le bulletin analytique en date du 12 septembre 1793 (2).
Savary nous en apprend davantage : à Doué, « le général Salomon (3) reçut l’ordre de se porter en observation sur le Layon, avec des troupes du contingent et un détachement du huitième de hussards. Il eut l’imprudence de s’avancer, le 11, jusqu’à Martigné, et d’attaquer un poste qui s’y trouvait : il fut repoussé avec perte ».
Le lendemain, le représentant Bourbotte écrivit au général Rossignol : « Les rapports sur l’affaire qui a eu lieu hier à Martigné sont exagérés ; nous n’avons pas perdu plus de cent hommes (…) L’événement prouve que le général Salomon, qui a attaqué le premier les rebelles avec douze à treize cents hommes, a eu infiniment tort… » (4)
L'itinéraire de la 15e marche de Pierre Devaud passe par Martigné, une étape que le combattant mémorialiste décrit comme une victoire importante (au départ des Cerqueux, l'aller est figuré par un trait rouge continu ; le retour par des pointillés).
Deux témoins vendéens à Martigné
Du côté vendéen, deux combattants ont laissé leur témoignage sur cette affaire. Le premier s’appelle Pierre Devaud, des Cerqueux près de Maulévrier. Ce soldat paysan consigna précisément dans son Livre de la Gère (Guerre) les 51 marches qu’il fit pendant toutes ses campagnes militaires en Vendée, de 1792 à 1815. La quinzième le mena à Martigné où« le soir j’ont battu les Bleu » ; et de poursuivre son chemin vers la forêt de Brissac où« nous ont trouvé un bataillon de Bleu, et nous les ont batu, de 800 quil étais il ant a resté que 10, il avait 2 piece de canon ». L’expédition de l’armée vendéenne entraîna Pierre Devaud jusqu’aux Ponts-de-Cé, où les républicains furent à nouveau défaits, puis vers Doué où les Bleus « nous ont fait une forte batalle qui a duré plus de 5 heure dorloge, nous ont batu ant retraite et perdu 2 piece de canon » (5).
Le second témoignage, au style plus lisible, émane de Jacques Poirier : « Nous avons étéà Martigné-Briand. Les insurgés venaient pour y aller coucher, et nous autres aussi. Nous (nous) sommes battus. C’était sur les trois heures du soir, et nous avons eu victoire. Monsieur de La Rochejaquelein a été blessé, mais un peu légèrement. Et nous (nous) sommes reployés dans un grand village qu’on appelle Cornu (6), qui est dans la paroisse de Martigné-Briand » (7). Jacques Poirier emprunte ensuite le même itinéraire que Pierre Devaud vers Les Ponts-de-Cé.
La blessure de Monsieur Henri
Mais au fait, à quelle main La Rochejaquelein fut-il blesséà cette seconde bataille de Martigné ? D’après l’abbé Deniau, qui situe l’action le 12 septembre et non le 11 comme le rapporte Savary, « Monsieur Henri» se trouvait dans un chemin creux à donner des ordres lorsqu’une balle lui fracassa le pouce de la main droite en trois endroits, et lui contusionna fortement le coude. Sa blessure ne l’empêcha pourtant pas de tenir son pistolet : « Regarde, dit-il à son domestique, si le coude saigne. – Non, général. – Eh bien, puisqu’il n’y a que le pouce de cassé, continuons ! » Les républicains furent battus, repoussés vers Doué, mais les Vendéens ne purent les poursuivre à cause de la nuit (8).
Notes :
- P.-V.-J. de Bourniseaux, Histoire des guerres de la Vendée et des Chouans, 1819, t. II, p. 32.
- A.D. 85, SHD B 5/6-64.
- François-Nicolas de Salomon (1739-1799), général de brigade en avril 1793, général de division en juillet 1793 (d'après la liste des généraux et officiers républicains dans l'Ouest, établie par Jacques Hussenet pour les Archives de la Vendée).
- J.-J. Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans contre la République française, 1824 (rééd. Pays et Terroirs 1993), t. II, p. 127.
- Les oubliés de la guerre de Vendée, mémoires et journaux présentés par une équipe de chercheurs, sous la direction d’Alain Gérard et Thierry Heckmann, S.E.V., 1993, p. 178.
- Le village de Cornu est également cité par Pierre Devaud.
- Ibidem, p. 234. Aux côtés de La Rochejaquelein commandait également d’Autichamp.
- F. Deniau, Histoire de la Vendée, 1848, t. II, p. 446. À noter qu’Alphonse de Beauchamp écrit que La Rochejaquelein aurait reçu cette blessure au combat de la Roche d’Érigné quelques jours avant celui de Martigné (Histoire de la guerre de la Vendée, t. II, p. 20). Or La Rochejaquelein n’était pas présent àÉrigné.