En lisant un article sur les chemins du village des Peux, il m’est venu l’idée de profiter de ce dimanche ensoleillé pour parcourir la route que les insurgés vendéens empruntèrent le mercredi 13 mars 1793 entre La Gaubretière et Les Herbiers.
En violet, l'ancien chemin de La Gaubretière aux Herbiers
(cliquez sur la carte pour l'agrandir)
Cet itinéraire ne suit pas le tracé rectiligne de la route stratégique n°19, défini en 1832 entre Tiffauges et La Châtaigneraie, via Les Herbiers et Pouzauges, afin d’amener plus efficacement des troupes dans le Haut-Bocage encore turbulent. Ce dernier traversait le gros village des Peux, aujourd’hui contourné par la D 755.
L’ancien chemin de La Gaubretière aux Herbiers serpentait plus haut, sur les collines. Il prenait d’abord la direction de Chambretaud, puis obliquait sur la droite après le village de la Châtaigneraie. La suite du trajet sillonne des paysages pittoresques creusés de vallons assez boisés. Elle franchit le ruisseau du Grand-Ry après la Grillière, passe le village de l’Ouvrardière, et file vers les flancs du Mont des Alouettes, densément couverts d’arbres. À la Méancière, la route croise le débouché de la Peur au Blé, un toponyme énigmatique dont j’ai parléici. De là elle dévale le coteau vers la ville des Herbiers, sur 2,5 km (avec un dénivelé de 50 m).
Entre la Châtaigneraie et la Grillère, on aperçoit au loin le Mont des Alouettes.
Après le passage de la Grillère
Au premier carrefour après la Guillaumière se dresse une vieille croix de chemin, connue localement comme la Croix-à-l’envers. Elle doit son nom au fait que l’inscription sur son socle indiquant « La Gaubretière 7 km » a été gravée à l’envers. Le tailleur de pierre, certainement illettré, a dû poser dans le mauvais sens son gabarit de cuir, dans lequel étaient découpées les lettres à reproduire. Ce monument confirme que l’ancienne route de La Gaubretière passait bien par ici.
La croix de la Méancière, à l'entrée du chemin de la Peur au Blé
La croix de la Guillaumerie ou « Croix-à-l'envers »
Au-delà de l’Émentruère, la campagne cède ses droits à l’urbanisation des Herbiers. Les nouveaux lotissements et la zone commerciale de la Tibourgère ont rompu le tracé de l’ancien chemin qui reprend plus loin dans la rue de l’Ouvrardière. Il s’achève en parvenant à la rue de Saumur, près du grand calvaire.
Le bout du chemin parcouru par les insurgés vendéens le 13 mars 1793 donne sur la rue de Saumur, près du grand calvaire des Herbiers (érigée en 1875)
De La Gaubretière aux Herbiers, le 13 mars 1793
Ce chemin fut bien celui qu’empruntèrent les insurgés rassemblés le 13 mars 1793 à La Gaubretière pour s’emparer de la ville des Herbiers. L’élan avait été donné la veille par les gars de La Verrie, qui avaient poussé le chevalier Sapinaud de Bois-Huguet à se mettre à leur tête. Ils se réunirent ensuite aux Gaubretiérois qui rameutèrent au son du tocsin les insurgés des paroisses environnantes, Chambretaud, Beaurepaire, Les Landes-Génusson, Saint-Aubin, etc., soit près de 2.000 hommes. Après avoir reçu la bénédiction de l’abbé You, curé de La Gaubretière, sous le porche de l’église, la petite armée de paysans se mit en marche vers Les Herbiers aux environs de midi.
La nouvelle sema la panique chez les patriotes herbretais. « Aussitôt, les gardes nationales des Herbiers et de Pouzauges, la mort dans l’âme, se portent au-devant de l’adversaire. Elles s’arrêtent sur une bosse de terrain, à la sortie de la ville, près de la ferme actuelle de Bel-Air » (1). Cette ferme se trouvait sur la route de Saumur, à la hauteur du carrefour avec la rue de l’Ouvrardière, près du grand calvaire cité ci-dessus. Les canonniers républicains y placèrent leurs pièces, mèches allumées. Les Vendéens s’arrêtèrent à une portée de fusil (environ 200 m) pour aviser de la manœuvre à suivre, mais le gros de la troupe s’élança soudain. « Poussant de grands cris, les paysans se répandent de chaque côté du chemin et, traversant les buissons, franchissent un ruisseau ; ils foncent, faux et fourches en avant, dans un vacarme effroyable, sur l’ennemi » (2). Ce « ruisseau » n’est en fait qu’un filet d’eau dont on distingue le fossé sous un alignement d’arbres entre l’avenue de Cholet et l’avenue du Bocage.
Les républicains affolés se mirent alors à tirer au petit bonheur, sans toucher personne, avant de s’enfuir dans une déroute complète, les uns par le Mont des Alouettes vers Mortagne-sur-Sèvre ; les autres par le Petit-Bourg vers Pouzauges. Un troisième groupe de patriotes eut moins de chance en se sauvant vers les Quatre-Chemins-de-l’Oie ; des paysans armés conduits par Baudry d’Asson leur tombèrent dessus et les repoussèrent vers Les Herbiers. Au soir de ce mercredi 13 mars 1793, la ville était aux mains des Vendéens.
Pour la petite histoire, il faut noter que l'extrémité de ce chemin de La Gaubretière aux Herbiers porte la marque de l’insurrection vendéenne dans plusieurs noms de rues : la rue de la Virée de Galerne, la rue des Chouans, la rue Bonchamps, la rue Stofflet (qui débouchent sur la rue de l’Ouvrardière) ; et plus bas, la rue Sapinaud et la rue Charette (donnant sur la rue de Saumur). Il n'y manque que la rue d'Elbée qui se cache dans un autre quartier.
Lien vers l'article Les chemins et les routes sur le site Un Peux d'histoire
Notes :
- Auguste Billaud, Jean d’Herbauges, 1793, la guerre au Bocage vendéen, Éditions du Choletais, 1993, pp. 56-57.
- Ibidem.