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L’abbaye de la Grainetière au temps de la Révolution

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Une flânerie dans les vieux murs de l’abbaye de la Grainetière, aux Herbiers, me donne l’occasion d’évoquer quelques événements marquants de son histoire à l’époque révolutionnaire.

La Grainetiere 13Vue de l'abbaye de la Grainetière, côté sud
(voir l'album photo au bas de l'article)

   

L’abbaye de la Grainetière se situe au sud des Herbiers, à la lisière de la vaste forêt du Parc-Soubise. Avant la construction de la grand-route de Nantes à La Rochelle sous le règne de Louis XV, deux voies très anciennes se croisaient non loin de là : l’une passait par Saint-Fulgent, La Barotière, Saint-Paul-en-Pareds, Le Boupère et Pouzauges pour filer vers Fontenay-le-Comte ; l’autre, venant des Herbiers, traversait Ardelay pour mener à Puybelliard. Je ne m’attarderai pas sur la longue histoire de cette abbaye depuis sa fondation au XIIe siècle. Les Chroniques paroissiales de l’abbé Aillery, consultables sur le site des Archives de la Vendée, en fournissent l’essentiel.

Faisons un saut de plusieurs siècles jusqu’à la Révolution française. Déclarée bien national en vertu du décret du 2 novembre 1789 qui mettait les biens du clergéà la disposition de la nation, l’abbaye de la Grainetière, qui ne comptait plus guère de moines (2), fut dépouillée de toutes ses métairies, moulins, bois, borderies et autres rentes, lors d’une série d’adjudications qui se tinrent tout au long de l’année 1791 (3). La vente des bâtiments conventuels attendra cependant la fin de la guerre en 1796. Le 6 vendémiaire an V (27 septembre 1796), « la maison, cour et jardin, servant à loger le cidevant desservant de l’abbaye de la Grenetière » furent cédés à Pierre Ageron, un patriote de Fontenay déjà acheteur de plusieurs bien nationaux aux Herbiers.
   

La Grainetiere 1796 1Extrait de la vente des bâtiments monastiques à Pierre Ageron en 1796 (A.D. 85, 1 num 47 55-784)

La Grainetiere 1796 2La signature de Pierre Ageron et celles d'administrateurs du département de la Vendée (Pervinquière, Dillon, Coyaud, etc.) au bas de l'acte de vente
   

La description des lieux donne une idée de leur état : « deux chambres basses, une cuisine, un four et fournil, en très mauvais état, et une cour, une écurie, une grange à foin, et un petit toit à vaches, la majeure partie en ruines » (4). Le bien comprenait environ trois boisselées de terre (soit environ 1.290 m²), renfermées de murs et buissons, tenant de toutes parts aux terres des citoyens Guyet (5). Il n’incluait cependant pas l’église abbatiale qui ne sera mise en vente qu’en 1806. Cette année-là, en février, un expert commis par le Département évalua l’édifice à 1.250 francs, et ajouta que selon lui « le démolissement sera difficile ». L’église fut finalement adjugée le 23 juillet suivant àLouis-René Guyet, fils de Simon-Charles (6), pour la somme de 2.525 francs.

Les démolisseurs se mirent à l’œuvre, surtout du côté Guyet. La plus grande partie de l’église abbatiale fut abattue au XIXe siècle, ses pierres étant réemployées dans des constructions alentour. Le monastère lui-même fut atteint ; ils perdit notamment deux côtés de son cloître. Son rachat en 1900 par la famille Pilastre sauva ce qu’il restait des bâtiments, alors transformés en exploitation agricole. Après un classement au titre des Monuments historiques en 1946, l’abbaye de la Grainetière bénéficiera de travaux de sauvegarde à l’initiative de Pierre Chatry, à partir de 1963. Il est même prévu actuellement de reconstruire les parties disparues, y compris l’église abbatiale, en trois campagnes de travaux jusqu’en 2030.
   

Monbail Grainetiere 2Ruines de l'église abbatiale de la Grainetière, estampe d'Émilien de Monbail, XIXe siècle (A.D. 85, 1 Fi 1117)
   

La Grainetière pendant les Guerres de Vendée

En dehors de cette vente comme bien national et de son démantèlement partiel, quels faits ont pu marquer l’histoire de l’abbaye de la Grainetière pendant cette période ?

Pierre Champain, l’un de ses religieux, refusa de prêter le serment constitutionnel. Condamnéà la déportation, il embarqua aux Sables sur le navire L’Heureux Hasard le 10 septembre 1792, et mourut probablement en exil en Espagne. Autre religieux de la Grainetière, insermenté lui aussi, Charles-Philippe Billaud resta caché dans le pays, mais il sera surpris et massacré par des soldats républicains dans le bourg de Chambretaud en juin 1794.

Toutefois le culte catholique ne s’éteignit pas totalement au sein de l’abbaye. En 1853, l’abbé Staub, alors curé de Mouchamps, rapporta en effet que M. Jacques Boursier, curé insermenté de la paroisse sous la Révolution, se cachait dans la forêt du Parc et qu’ « il en sortait quelquefois pour aller célébrer la sainte messe, soit à la Grainetière, soit à la métairie de la Brosse qui en dépendait » (7).

D’autre part, d’après Émile Gabory, l’abbaye de la Grainetière aurait aussi servi de prison pour les patriotes pris par l’armée du Centre (8). Mais il reste à découvrir sur quels documents l’historien s’appuyait pour l’affirmer.
   

Monbail Grainetiere 1Abbaye de la Grainetière, la tour de l'abbé, estampe d'Émilien de Monbail, XIXe siècle (A.D. 85, 1 Fi 1117)
           

Lien vers le site de l'abbaye de la Grainetière
   


Notes :

  1. Les communes des Herbiers, du Petit-Bourg et d’Ardelay ont fusionné en 1964.
  2. En 1791, on comptait seulement 16 bénédictins pour les abbayes de Saint-Michel-en-l’Herm, de la Grainetière et du prieuré de Mortagne (Louis Delhommeau, Le clergé vendéen face à la Révolution, Siloë, 1992, p. 46).
  3. Les Archives de la Vendée ont mis en ligne un inventaire des pièces relatives à la Grainetière dans le fonds historique du diocèse de Luçon (onglet Clergé régulier -> Abbayes d'hommes -> Ordre de Saint-Benoît). On y trouve les adjudications des biens de l'abbaye sous la Révolution.
  4. A.D.85, 1 Q 242. Le contrat de vente a été numérisé et mis en ligne sur le site des Archives de la Vendée, sous la cote 1 num 47 55-784. Rappelons que les bâtiments de l’abbaye étaient encore utilisés comme exploitation agricole au XXe siècle et que la salle capitulaire servait de grange à foin.
  5. Ces terres attenantes à l’abbaye désignaient le domaine de la Grange acquis le 5 février 1791 par Simon-Charles Guyet (A.D. 85, 1 num 47 55-751).
  6. A.D. 85, 1 num 47 55-792. Simon-Charles Guyet avait été tué au moment de l’insurrection à Saint-Vincent-Sterlanges, le 15 mars 1793. Son histoire est à lire ici.
  7. Philippe Ricot, Les Herbiers, un gros bourg vendéen au XVIIIe siècle, sous la Révolution. Blancs et Bleus durant l’insurrection, Ouest-Éditions, 1994, p. 135. La tombe de l’abbé Boursier existe toujours au cimetière de Mouchamps.
  8. Ph. Ricot, op. cit., p. 67.
       

Quelques photos de l'abbaye de la Grainetière :

La Grainetiere 1La tour de l'abbé et l'ancien réfectoire

La Grainetiere 2Les bâtiments au sud-est de l'abbaye, dont la cuisine près de la tour d'angle

La Grainetiere 3Vue sur le cloître depuis l'entrée

La Grainetiere 4Les absidioles, vestiges de l'église abbatiale

La Grainetiere 5Les voûtes des absidioles avec leur curieux appareil de pierres

La Grainetiere 6Un Sacré-Cœur de pierres placé devant l'autel

La Grainetiere 7Détails de sculptures dans l'ancienne église abbatiale

La Grainetiere 8L'emplacement de l'hostellerie disparue et la tour de l'abbé

La Grainetiere 9Vue de la nef de l'ancienne église abbatiale

La Grainetiere 10Le cloître, côté occidental

La Grainetiere 11L'accès à la salle capitulaire, transformée en chapelle (une communauté de moines a réinvesti la Grainetière en 1978)

La Grainetiere 12Les voûtes de la salle capitulaire

La Grainetiere 14Au centre de ce qui fut la nef de l'ancienne église abbatiale
   


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