Un tableau original était proposé samedi dernier dans une vente aux enchères près de Toulouse, une huile sur panneau représentant Marie-Louise-Victoire de Donissan, veuve du général de Lescure et future marquise de La Rochejaquelein, lors de sa cavale de ferme en ferme au cours de l’hiver 1793-1794.
« Marie Louise Victoire de Donissan-Lescure recueillie dans une ferme à l’hiver 1793 et protégée par un Vendéen », huile sur panneau (21,5 x 27 cm)
Le catalogue de cette vente comportait plusieurs lots relatifs à l’épopée vendéenne : trois scapulaires vraisemblablement datés du XIXe siècle, un drapeau fleurdelysé arborant un « Vive le Roi » des années 1830, un buste en plâtre d’Henri de La Rochejaquelein et un second en ronde-bosse. L’objet le plus remarquable restait cependant un tableau d’un auteur inconnu, simplement monogrammé« AM », intitulé : « Marie Louise Victoire de Donissan-Lescure recueillie dans une ferme à l’hiver 1793 et protégée par un Vendéen ».
La scène se situe entre la désastreuse bataille de Savenay, le 23 décembre 1793, et le printemps 1794, une époque dramatique pour Marie-Louise-Victoire de Donnissan, veuve du général de Lescure, qui la relate longuement dans ses Mémoires (1). Elle quitta l’armée vendéenne (2) le 22 décembre en compagnie de sa mère et de l’abbé Jagault. Après une étape chez des paysans à trois quarts de lieues de Savenay (à peine 4 km), les fugitifs trouvèrent d’abord refuge au château de l’Escurays en Prinquiau (3), où Pierre Ferré et sa femme Laurence Jagu les accueillirent. La proximité des combats et la présence des Bleus qui traquaient les fuyards les obligèrent à quitter les lieux. Ils se cachèrent chez Julien Hoguet et sa femme Perrine Guérif, à la métairie de la Grée. Ils y restèrent quelques jours, puis se rendirent chez Pierre Billy, procureur de la commune de Prinquiau, au village de la Hennetais. Très malade, l’abbé Jagault se sépara des deux femmes et parvint à trouver un asile sûr à Nantes.
La maison de Cyprien Lesage au Bois-Divais, commune de Besné
Madame de Donnissan et sa fille passèrent ensuite chez Julien Riallot, à la Mélinais en Pontchâteau. Vers le 10 avril 1794, de nouvelles alarmes les obligèrent à se séparer quelques jours. Elles se retrouvèrent chez Cyprien Lesage, un charron qui vivait au Bois-Divais en Besné avec sa femme Marguerite Gouret. La mémorialiste relate la visite d’un patriote de Donges, ce qui l’obligea à se cacher. Le 19 avril, l’annonce d’une nouvelle fouille entraîna les deux femmes au village de la Bonnelière en Prinquiau, chez le municipal Julien Gouret. C’est là que la jeune femme, alors enceinte, accoucha de jumelles : Joséphine fut confiée à une vieille femme du Bois-Divais et Louise fut mise en nourrice à la Pilaye en Prinquiau (4).
Munies de faux passeports, les fugitives parvinrent à fuir le pays le 20 mai pour s’établir au château du Dréneuc en Fégréac, chez Madame Dumoustiers.
La scène peinte sur ce tableau s’inspire donc du récit de ces mois de cavale de ferme en ferme au cours de l’hiver 1793-1794, et peut-être de cet épisode plus marquant que les autres chez Cyprien Lesage et Marguerite Gouret. L’interprétation reste toutefois très libre si l’on se souvient que notre héroïne était enceinte. Tellement enceinte qu’elle disait elle-même : « Je devenais énorme » (5), ce que le peintre n’a absolument pas fait paraître.
Réjouissons-nous de cette nouvelle, le tableau revient en Vendée ! Espérons que des annotations au dos nous en apprennent davantage sur cette œuvre et son auteur.
Localisation des communes citées sur une carte de la Loire-Inférieure (1790)
Notes :
- Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, édition critique établie et présentée par Alain Gérard, C.V.R.H., 2010.
- Elle fit ses adieux à son père, Guy-Joseph de Donnissan, qui sera arrêté le 7 janvier 1794 à Ingrandes et fusillé le lendemain à Angers.
- Les habitants de Prinquiau étaient en grande partie favorables aux Vendéens.
- Joséphine mourra le 2 mai suivant et Louise le 11 août 1795.
- Mémoires…, op. cit., p. 373.