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Le général Sapinaud à l'été 1797

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Qu’est devenu le général Sapinaud, commandant l’armée du Centre, après sa soumission en 1796 ? Hormis son mariage, les pages de sa biographie restent étrangement blanches sous le Directoire. Voici de quoi les noircir un peu. 

Sapinaud aux Essarts en 1797L'ancienne église romane des Essarts, dessin d'Adélaïde Chauvin, 1853 (A.D. 85, 1 Num 1-73-1). En surimpression, extrait de la déclaration du 16 messidor an V mentionnant la présence de Sapinaud aux Essarts (A.D. 85, L 232)
   

Charles-Henri-Félicité Sapinaud de La Rairie est le seul, parmi les généraux vendéens, à avoir survécu à la guerre ; le seul aussi à ne pas avoir eu de biographe. Si on connaît à peu près tout de ses origines, de son entrée en guerre avec les gars de La Gaubretière, de sa carrière dans l’armée du Centre, dont il prendra la tête de 1794 à 1796, la suite reste obscure, du moins jusqu’à la Restauration où ses années d’engagement royaliste furent récompensées.

Signataire du traité de paix de la Jaunaye, le 17 février 1795, Sapinaud a repris les armes en attaquant le poste de Mortagne-sur-Sèvre le 3 octobre de la même année. Charette l’a précédé depuis le mois de juin, tandis que Stofflet attendra encore la fin janvier 1796 pour relancer une guerre que tous savaient perdue d’avance. Leurs effectifs se réduisaient comme peau de chagrin sous la pression des troupes du général Hoche. Capturé le premier, Stofflet fut fusilléà Angers le 25 février. Un mois après vint le tour de Charette, exécutéà Nantes le 29 mars. Sapinaud, quant à lui, échappa à la mort en faisant sa soumission le 24 juin. Son armée du Centre n’existait plus depuis que Vasselot, qui commandait les derniers irréductibles du Haut-Bocage, avait succombé le 10 mai (1).

Le mariage de Sapinaud avec la belle-fille de Charette

Que se passa-t-il ensuite pour Sapinaud ? On sait qu’il se maria le 25 brumaire an V (15 novembre 1796) à Nantes, section Démosthène et Humanité, avec Marie-Louise Charette du Moulin, fille de Louis-Joseph Charette du Moulin et de Marie-Angélique Josnet de La Doussetière, cette dernière étant connue pour avoir épousé en 2e noces François-Athanase Charette de La Contrie, le célèbre général vendéen (2).

L’acte de mariage indique qu’à cette date du 15 novembre 1796 « Sapinaud la Rairie », qualifié de rentier, était domicilié« en la maison de Sourdy », à La Gaubretière, là même où les insurgés du pays étaient venus le chercher le 12 mars 1793. En revanche, son adresse est par la suite établie à Nantes, d’après les actes de naissance de ses enfants : quand Henri vint au monde le 25 thermidor an VI (12 août 1798), la famille habitait section Démosthène et Humanité, rue Démosthène. Elle y résidait encore à la naissance d’Aimée, le 12 brumaire an IX (3 novembre 1800), mais la rue Démosthène se trouvait alors dans la section cinquième. Elle déménagea ensuite car Louise-Marguerite naquit le 3 juin 1808 « en sa demeure située section deuxième, rue neuve de Rennes ». Toutefois, à ce moment-là, le père est dit « domicilié de la commune de La Gaubretière ». 
   

Signature Sapinaud 1796Signature de Sapinaud (de) La Rairie au bas de son acte de mariage,
15
 novembre 1796
   

Sapinaud passe aux Essarts en juillet 1797

Revenons à la période directoriale qui nous intéresse. Sapinaud a-t-il vraiment renoncéà combattre pour la cause royale ? Pas vraiment, en tout cas en 1798, si l’on en croit Émile Gabory qui avance qu’en dépit de l’ordre d’arrêter tous les anciens chefs de la Vendée, « Sapinaud, l’ex-général en chef de l’Armée du Centre, passe entre les mailles du filet » (3). Il semble qu’il soit aussi passé entre les mailles du filet des historiens, car on perd un peu sa trace en 1797-1798. 

Le hasard d’une recherche aux Archives de la Vendée m’a mis entre les mains une pièce conservée dans la correspondance du commissaire du canton des Essarts, en date du 16 messidor an V (4 juillet 1797), document où il est question du général Sapinaud. Il s’agit d’une déclaration faite par Magdeleine Martin, veuve Thousé (4), aubergiste, et Marie Guibert, veuve Chauvin (5), demeurant toutes les deux aux Essarts. En voici la retranscription : 

« Le quatre de ce mois est arrivé chez la ditte veuve Thousé, où la ditte citoyenne Veuve Chauvin se trouvoit ce moment, quatre hommes qu’elles ne connoissoient point, dont deux étoient armés, l’un de deux pistolets et l’autre d’un fusil. En entrant chez la ditte Veuve Thousé, ils lui demandèrent à boire et à manger et lui demandèrent comment se portoient monsieur Loudelière (6) et madame de Montsorbier (7) ; qu’elle leur répondit qu’elle n’en savoit rien. 

Ils demandèrent ensuite à elle ditte Veuve Thousé, en présence de la ditte citoyenne Ve Chauvin (…) si elle avoit connu le général Charette. Elle leur répondit qu’elle l’avoit connu. Alors ils lui dirent que si elle l’avoit réellement connu, elle auroit été lui baiser le bout de ses souliers ; qu’elle leur répondit qu’elle n’étoit point faite pour cela (8).

Après différents autres mauvais propos, ils déclamèrent horriblement contre la République, en disant qu’elle était une gueuse, qu’elle s’emparoit de tous leurs biens. Après quoi ils demandèrent toujours à elle ditte Ve Thousé si elle connoissoit le général Sapineau (sic) ; elle leur répondit qu’elle ne le connoissoit point. Sur quoi l’un d’eux lui dit : Le voilà, en lui montrant celui qui étoit armé de deux pistolets ; que celui qui avoit un fusil étoit un Languedocien (9) et que lui et l’autre étoient leurs domestiques

Ils lui demandèrent si la guerre recommençoit, qu’en diriez-vous ? (10) Elle répondit : ce ne seroit que des gueux qui la recommenceroient et vous vous mettriez sans doute à la tête. Sur quoi ils lui dirent : si la guerre recommence, soyez sûre que vous ne resterez pas la dernière et on apportera tous les effets du bourg chez vous. Ce seroit sans doute pour les faire bruler, comme vous l’avez fait autrefois. Vous êtes donc patriote, lui dirent-ils ; elle leur répondit qu’elle l’étoit et qu’elle s’en faisoit honneur. 

Enfin, pendant tout leur dîner que la ditte citoyenne Ve Thousé leur avoit servi et jusqu’au moment de leur départ qui fut sur le soir, ils tinrent des propos les plus atroces contre la République, et au moment de leur départ, ils dirent qu’ils alloient à Loudelière (11), que de là ils iroient à Leger, à La Motte, à Palluau, à Challans et dans beaucoup d’autres endroits qu’elle ne se rappelle point. » (12)

Il reste à explorer les papiers des commissaires des cantons de Legé, La Mothe-Achard, Palluau et Challans, pour voir si Sapinaud et sa petite escorte y ont laissé des traces au cours de cet été 1797…
   


Notes : 

  1. La tradition prétend que Joseph-Amand de Vasselot d’Annemarie a été exécuté le 4 mai 1796 sous les yeux de sa fiancée au château de Mesnard. Elle est contredite par un acte de notoriété de l’an XI (étude Allard, Les Herbiers) et par une lettre d’Allaire, commissaire des Herbiers (L 241), qui attestent que Vasselot a été fusillé au château du Landreau le 21 floréal an IV (10 mai 1796).
  2. En 1797, Marie-Angélique Josnet de La Doussetière épousa en 3e noces, à Paulx, Charles-Alexis de L’Espinay, qui était présent comme témoin au mariage de Sapinaud.
  3. Les guerres de Vendée, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1989, p. 529. On lit avant cela que « la brigade de La Roche-sur-Yon met la main sur Saint-Pal et manque Chantreau ; la brigande de Luçon arrête, à Angles, le chevalier de Buor ; celle de Montaigu incarcère Baudry-Puyravault, fraîchement rentré d’Espagne ».
  4. Magdeleine-Anne Martin est née à La Merlatière, le 24 septembre 1758. Elle a épousé, dans la même paroisse, Henri Touzé, le 14 février 1786.
  5. Marie-Louise Guibert est née le 6 juin 1739 Palluau. Elle s’y est mariée le 11 décembre 1757 avec Jean Chauvin, et est décédée aux Essarts le 2 avril 1813.
  6. Charles-Marie-Esprit-Nicolas Baudry d’Asson, seigneur de Loudelière, né le 24 janvier 1747 à Puyravault, paroisse de La Boissière-de-Montaigu (le Baudry-Puyravault de la note 3 ?). Il est appelé Baudry-Loudelière en 1797 (sur le contrat de mariage de sa fille Henriette-Hyacinthe-Aimée) et signe Baudry de Loudelière sur le contrat de son 2e mariage en 1800. À noter qu’on rencontre par trois fois des « dames de Loudelières » dans les Mémoires de Marie Lourdais, de La Gaubretière (Thérèse Rouchette, Femmes oubliées de la guerre de Vendée, C.V.R.H., 2005, pp. 93 et suiv.).
  7. Marie-Élisabeth-Bénigne Voyneau du Plessis est née le 9 août 1762 à Fontenay-le-Comte et a épousé le 15 décembre 1787, à Saint-Christophe-du-Ligneron, Honoré-Benjamin-Charles de Montsorbier. Elle fut « l’une des plus ardentes amazones de la cour de Charette à Belleville » (Ch.-L. Chassin, Les pacifications de l’Ouest, 1794-1801, t. II, p. 485). Le général Hoche avait ordonné, peu après l’exécution de Charette, qu’elle fût arrêtée, mais cette opération fut contrariée par l’adjudant-général Cortez, qui ramena Madame de Montsorbier chez elle, à la Bralière, en Boulogne. Elle y demeura et y mourut le 7 février 1835 (sa tombe existe toujours au cimetière de Boulogne). On lira à son sujet l’article de Michel Chatry, Le fabuleux destin d’Élisabeth de MontsorbierRevue du Souvenir Vendéenn° 218 (mars 2002), pp. 19-25.
  8. Magdeleine-Anne Martin, veuve Touzé, avait des raisons de pencher en faveur de la République : son père, Pierre-André Martin, « a été tué aux Essarts par les insurgés de la Vendée »à l’âge de 72 ans (registre clandestin de La Merlatière, 1793-1796, vue 1/32).
  9. Serait-ce Jean-Antoine-François Brun, chevalier de Rostaing ? Né en 1743 à La Canourgue (Lozère), cet ancien lieutenant au régiment de Quercy était présent à Ancenis au moment de l’insurrection de mars 1793. Il intégra l’armée de Bonchamps, fit la Virée de Galerne, repassa la Loire et rallia Stofflet. Malgré une condamnation à mort, il survécut à la guerre.
  10. Nous sommes pourtant bien loin, en juillet 1797, d’une reprise de la guerre. Le coup d’État jacobin du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) n’a même pas encore eu lieu.
  11. Sur le contrat de mariage de la fille de Charles-Marie-Esprit-Nicolas Baudry de Loudelière, il est écrit que la famille habite à« Loudellière », commune de Dompierre sur La Roche-sur-Yon, canton de Belleville. Le seul toponyme qui s’en rapproche est l’Audouillère, un logis situéà la limite de la commune près du bourg de Boulogne.
  12. A.D. 85, L 232. Une copie de cette déclaration a été envoyée au général Travot le 28 messidor an V (16 juillet 1797).
         

 


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