Le terme « brigand » apparaît dans le langage républicain dès les premiers jours du soulèvement de mars 1793. Il peuplera la correspondance des militaires et des autorités constituées tout au long de la guerre, dans le but de discréditer leurs adversaires devenus les « brigands de la Vendée ». C’est un usage courant chez les tous les révolutionnaires.
On le retrouve par exemple dans le vocabulaire bolchévique à l’encontre des paysans de la région de Tambov en révolte contre le pouvoir central. Dans ce cas, le russe a recours à un autre mot français : бандит (bandit). L’ordre du jour n°171, du 11 juin 1921, illustre parfaitement la portée de ce mot dans l’application des méthodes par lesquelles les rouges « pacifièrent » ce qu’ils appelaient « la Vendée de Tambov ». Le voici, mot pour mot :
1. Граждан, отказывающихся называть свое имя, расстреливать на месте, без суда. (Fusiller sur place, sans jugement tout citoyen qui refuse de donner son nom.)
2. Селениям, в которых скрывается оружие, властью уполиткомиссии или райполиткомиссии объявлять приговор об изъятии заложников и расстреливать таковых в случае несдачи оружия. (Les commissions politiques de district ou les commissions politiques d’arrondissement ont le pouvoir de prononcer contre les villages où sont cachées des armes un verdict sur l’arrestation d’otages et de les fusiller dans le cas où l’on ne rendrait pas les armes.)
3. В случае нахождения спрятанного оружия расстреливать на месте без суда старшего работника в семье. (Dans le cas où l’on trouverait des armes cachées, fusiller sur place sans jugement l’aîné des familles.)
4. Семья, в доме которой укрылся бандит, подлежит аресту и высылке из губернии, имущество ее конфискуется, старший работник в этой семье расстреливается без суда. (La famille qui aura caché un bandit dans sa maison est passible d’arrestation et de déportation hors de la province, ses biens sont confisqués, l’aîné de cette famille est fusillé sans jugement.)
5. Семьи, укрывающие членов семьи или имущество бандитов, рассматривать как бандитов, и старшего работника этой семьи расстреливать на месте без суда. (Considérer comme des bandits les familles qui cachent des membres de la famille ou des biens des bandits et fusiller sur place sans jugement l’aîné de cette famille).
6. В случае бегства семьи бандитаимущество таковой распределять между верными Советской власти крестьянами, а оставленные дома сжигать или разбирать. (Dans le cas de fuite d’une famille de bandit, répartir ses biens entre les paysans fidèles au pouvoir soviétique et brûler ou démolir les maisons abandonnées.)
7. Настоящий приказ проводить в жизнь сурово и беспощадно. (Appliquer le présent ordre du jour rigoureusement et sans pitié.)
Le document est signé de la main du général Toukhatchevski, le même qui ordonnait le lendemain de gazer les rebelles : « Les forêts où se cachent les bandits doivent être nettoyées au moyen de gaz asphyxiants. Tout doit être calculé pour que la nappe de gaz pénètre dans la forêt et extermine tout ce qui s’y cache. » Cet ordre rappelle étrangement ce que réclamait contre les « brigands de la Vendée » le général Santerre au ministre de la guerre, en août 1793…
Pour des raisons pratiques évidentes, cette méthode d’extermination par le gaz ne put être appliquée. En dignes révolutionnaires, les bolchéviques mirent cependant sur pied sept camps de concentration où furent enfermés, dans des conditions inhumaines, les femmes, enfants et vieillards, capturés comme otages parmi les familles de « bandits ». La famine et les épidémies les décimèrent.