Cité par tous les historiens de la Vendée comme une place stratégique au carrefour des routes de Nantes à La Rochelle et de Saumur aux Sables, le camp de l’Oie demeure difficile à localiser aujourd’hui. En cherchant bien, on peut toutefois dénicher quelques indices…
Localisation des lieux cités dans l'article :
1. le carrefour des Quatre-Chemins-de-l'Oie
2. Le champ de foire de L'Oie (camp vendéen)
3. La rue du Château (du Fougerais)
4. La route des Hauteurs (camp républicain)
5. Le château de l'Herbergement-Ydreau
6. La croix du Cerisier
La carrefour des Quatre-Chemins-de-l’Oie (n°1 sur la carte), toujours très fréquenté de nos jours, fut aménagé au début du XVIIIe siècle au beau milieu d’un Bocage dépourvu de voies carrossables. Une importante foire se développa plus au sud, à l’instigation de M. de La Douespe, près de son domaine du Fougerais (devant l’actuelle église de L’Oie*, n°2). La maison située au n°5 de cette place, probablement l’une des premières constructions du lieu, aurait servi d’auberge. Son enseigne représentait une oie.
La place de l'Église et l'ancienne auberge de l'Oie (à droite)
Le champ de foire de l’Oie fut le théâtre d’un épisode rocambolesque qui donna le signal de l’insurrection vendéenne, le 13 mars 1793. Ce mercredi, une foule de paysans avait afflué comme de coutume avec quantité de bestiaux, sous la surveillance d’un poste militaire établi au bout de la place. Les soldats assistaient tranquillement à ce spectacle pittoresque, sans se douter du compot qui se tramait contre eux.
L’un des protagonistes du soulèvement d’août 1792 dans le Châtillonnais, Gabriel Baudry d’Asson, avait en effet réuni la veille une poignée de conjurés dans les bois de l’Herbergement, afin de s’emparer de ce poste. Pour cela ils usèrent d’un stratagème astucieux. Les paysans avaient pour habitude d’étancher copieusement leur soif à coups de verres de « folle » (le vin du pays) disponibles à profusion les jours de foire. Et pour en soulager leur vessie, ils arrosaient abondamment le mur du poste militaire. Les contrevenants se voyaient infliger une amende, et confisquer leur chapeau s’ils ne voulaient la payer.
Mais ce 13 mars 1793 les paysans ne furent jamais aussi nombreux à se répandre sur ledit mur, laissant du coup un grand nombre de chapeaux aux soldats. Ils revinrent alors en masse, en début d’après-midi, réclamer leur restitution et feignirent une dispute sous les yeux amusés des sentinelles. Un coup de sifflet donna soudain le signal. Plusieurs hommes profitèrent du désordre pour bondir à l’intérieur du poste et se saisir des fusils. Les soldats eurent à peine le temps de réagir qu’ils étaient déjà prisonniers. Ce fait d’armes qui ne fit aucune victime retentit le lendemain à travers toute la campagne alentour.
Derrière l'ancienne auberge de l'Oie
Revenons à l’auberge de l’Oie, au n°5 de la place de l’Église. Derrière cette bâtisse s’élevait jadis – jusqu’à la Révolution – le château du Fougerais, appartenant alors à Daniel François de La Douespe (celui qui fut à l’origine des foires de L’Oie). La rue qui borde ces terrains porte d’ailleurs le nom de rue du Château (n°3) et se prolonge par l'allée du Fougerais. Riche propriétaire protestant, plutôt libéral, M. de La Douespe avait accueilli dans sa demeure la « Société itinérante des Amis de la Constitution » en 1791. Deux ans plus tard, il dut l’ouvrir aux troupes royalistes pour lesquelles cette position au centre du pays insurgé convenait comme lieu de rassemblement. Le « règlement de l’Oie », qui organisa l’Armée du Centre et l’administration du territoire libéré, fut d’ailleurs élaboré dans ce château du Fougerais, le 4 avril 1793 « l’an premier du règne de Louis XVII », et le camp de l’Oie – celui des Vendéens – aménagéà ses abords.
La rue du Château, aujourd'hui disparu
(on distingue sur la gauche les bâtiments au fond du champ de foire)
Le camp que les républicains occupèrent en 1794 et 1795 se situait autre part, selon Valentin Roussière**, sur la « route des Hauteurs » (n°4). Cette voie suit une ligne de crête, depuis le sud-ouest du champ de foire, jusqu’à la grand’route des Quatre-Chemins à Sainte-Florence (actuelle rue des Hauteurs). La localisation précise de ce camp est incertaine – aucune trace ne subsiste aujourd’hui – mais on devine l’intérêt de cette position élevée au-dessus du carrefour des Quatre-Chemins pour surveiller le Bocage environnant.
Il reste pourtant un souvenir de la présence républicaine non loin de là. Lorsque Charette s’empara du camp des Bleus, le 4 décembre 1795, on enterra les corps des soldats au bas du plateau, près du carrefour du Cerisier, sur la route de l’Herbergement-Ydreau (n°5) à Sainte-Florence. La route qui mène du Cerisier à L’Oie portait du reste le nom de « chemin des morts ». À cet endroit fut érigée une croix (n°6, photo ci-dessous), mais celle-ci ne porte aucune inscription pour évoquer la mémoire du camp de l’Oie.
* La commune de L'Oie fut créée en 1895 par démembrement de celle de Sainte-Florence (anciennement Sainte-Florence-de-l'Oie ou Sainte-Florence-de-l'Herbergement).
** Revue du Souvenir Vendéen n°90, mars 1970, pp. 37-38
Un second article suivra, spécialement consacré au château de l'Herbergement-Ydreau (ci-dessous).