Ce dimanche, ma promenade m’a conduit sur les bords de la Sèvre nantaise à la hauteur de Mallièvre, charmante cité de caractère. De là, j’ai emprunté un vieux chemin tracé sur le cadastre ancien, jusqu’à la Martinière où deux prêtres insermentés avaient trouvé refuge sous la Terreur.
La Sèvre nantaise, vue depuis le coteau du Vault
Je ne me suis pas attardéà Mallièvre. Le patrimoine y est si riche que la petite ville justifie une randonnée à elle seule. Ça sera pour plus tard. J’ai donc suivi un sentier baliséà l’entrée du pont sur la Sèvre, pour remonter vers la tour de ce qui fut l’une des plus anciennes forteresses médiévales de la région. J’ai poursuivi en direction du lavoir des Ménicles dissimulé au niveau de la chaussée, puis du lieu-dit Baillarge.
Une tour de l'ancien château médiéval de Mallièvre
Intrigué par la présence d’un chemin aménagé sur la berge de la rivière – et qui n’apparaît sur aucune carte – j’ai bifurqué pour savoir où il me mènerait. Cet aménagement semble récent. Il longe en effet la Sèvre nantaise dans un cadre reposant, bercé par un concert de grenouilles, pour rejoindre la digue du moulin de Poupet. Mais là n’était pas mon but. J’ai donc fait demi-tour vers Baillarge pour retrouver mon itinéraire initial.
Au bord de la Sèvre, sur le chemin menant à Poupet
Ce vieux chemin dit « de Mallièvre à Chambon » sur le cadastre napoléonien n’a guère changé depuis deux siècles. Étroit, bordé de murets antédiluviens, de chênes têtards et de genêts en fleurs, pavé d’énormes blocs de granit, il ondule au milieu de champs fleuris où paissent les plus heureuses des vaches.
Une croix de bois près de Baillarge
Ce Rocher de la Chouette m'inspire une prochaine balade...
Mon chemin bordé de genêts en fleurs
À mi-chemin, au point le plus élevé du coteau, la vallée déroule vers l’ouest un superbe panorama d’où se détachent au loin, derrière une épaisse forêt, les clochers de Saint-Laurent-sur-Sèvre. Le sentier descend alors en pente douce, avant de se faire plus raide après la ferme du Vault. Je rejoins bientôt la berge en approchant du moulin de Chambon et, plus haut, de la Martinière.
Panorama sur les clochers de Saint-Laurent-sur-Sèvre
De vieux murets de granit bordent le chemin
Au loin, la flèche de la Sagesse et le clocher de la basilique du Père de Montfort
Au sommet du coteau, la ferme du Vault
L’endroit est connu pour avoir abrité deux prêtres insermentés durant la Terreur, M. Vion, curé de La Chapelle-Largeau, dont j’ai déjà parléici, et M. Deny, vicaire de Treize-Vents. Ce dernier avait refusé le serment schismatique plus courageusement que son curé, M. Mousset. « Après ce fait, l’intrépide vicaire s’attendait chaque jour àêtre dénoncé puis arrêté par la force armée. Il prit donc ses mesures en conséquence pour se mettre en sûreté. Il n’émigra point comme tant d’autres de ses confrères, mais se cacha dans le pays, parfois dans cette paroisse même, où il était avantageusement connu et où il pouvait compter sur la protection et la discrétion des habitants. » (1)
La famille Devaud donna asile aux deux prêtres dans sa ferme de la Martinière. On raconte qu’elle conservait le coffre de bois qui servait d’autel pour la célébration des Saints Ministères. Car MM. Vion et Deny célébraient l’office la nuit, dans un vaste grenier, pour les fidèles du voisinage. Le jour, ils se cachaient à cent mètres environ de la maison, au milieu d’un champ de genêts. Pourtant les Bleus ne s’aventurèrent jamais dans ce lieu reculé.
Vue sur Mallièvre depuis la Jarrie
Mon vieux chemin de terre s’est arrêté au moulin de Chambon, mais je n’ai pas tardéà le retrouver, après quelques kilomètres de route goudronnée. Au-delà de la Grande-Jarrie, au carrefour de la Châtaigneraie, me revoilà sur le sentier empruntéà l’aller. À l’entrée de Mallièvre, j’oblique pour contourner le bourg par l’est pour achever ici ma promenade dominicale.
Au-dessus du porche d'entrée de la maison Marie-Eulalie
(1) Abbé A. Baraud, Le clergé vendéen victime de la Révolution française, Luçon, Impr. M. Bideaux, 1904-1905