Un petit groupe de promeneurs se retrouve depuis quelques mois pour fouler de vieux chemins perdus, visiter des lieux d’histoire méconnus, et sortir de l’oubli de belles figures des Guerres de Vendée. Leurs sorties « à la bonne franquette » les ont conduits hier à Saint-Vincent-Puymaufrais, sur les pas de l’abbé Desplobeins et d’Amédée de Béjarry…
Le logis de la Ricottière, point d'orgue de la promenade
Après une escapade hivernale au Pont-Paillat en février dernier, les marcheurs – parmi lesquels j’ai le plaisir de me compter – se sont donné rendez-vous sur les bords du Lay à Saint-Vincent-Puymaufrais, ancienne commune aujourd’hui rattachée à Bournezeau. Ce poste avancé de la Vendée rebelle formait un véritable bastion solidement défendu par son relief, son épais bocage, et par la rivière qui l’enserre à l’est et au sud comme une infranchissable douve. Les Bleus, du reste, ne s’y sont jamais attaqués frontalement.
Patrick, Chouan du Morbihan admirateur de Cadoudal et de Guillemot
Notre point de rendez-vous était fixé devant l’ancienne cure, belle bâtisse de la fin du XVIIe siècle, qu’a connue l’abbé Desplobeins. Curé de Puymaufrais sous la Révolution, ce personnage haut en couleur pourchassé par les républicains sans jamais être pris, nous a accompagnés tout l’après-midi. Notre petit groupe s’est alors mis en marche, sous un soleil ô combien généreux, en direction du cimetière. Derrière la grande croix érigée en son centre, une dalle de marbre gris marque l’emplacement de la sépulture de ce prêtre et de son vicaire, François Biret, qui lui succéda. Richard, à l’origine de cette sortie, nous a brossé l’histoire de l’abbé Desplobeins, pour lequel il a entamé des recherches depuis plusieurs années (1).
Richard Lueil raconte l'histoire de l'abbé Desplobeins à côté de Julie Cathelineau
Quelques roses du jardin déposées sur la tombe de l'abbé Desplobeins
Notre orateur m’a ensuite passé la parole pour présenter une autre célébrité de Saint-Vincent-Puymaufrais, Amédée de Béjarry, auquel j’ai rendu hommage tant ce chef vendéen de l’Armée du Centre mérite notre reconnaissance. Sa tombe se situe près d’un mur du cimetière, dans le carré de la famille de Béjarry, hélas envahi d’herbes folles. J’aurai l’occasion de revenir sur ce grand nom des Guerres de Vendée dans un prochain article pour ne pas trop étoffer celui-ci.
Devant la tombe d'Amédée de Béjarry, chef vendéen
Le carré des Béjarry au cimetière de Puymaufrais
Jordan, Martine, Jean et Arnaud s'attardent au cimetière
sur la tombe de l'abbé Desplobeins
L’arrivée de quelques retardataires nous a ramenés devant la sépulture de l’abbé Desplobeins, où Richard a complété le portrait de ce prêtre insermenté, dont la vie tumultueuse pourrait nourrir un roman historique. Nous étions au complet, une quinzaine de personnes, certaines venues du Morbihan, d’autres de la Vienne ! De retour devant l’église, nous avons entamé notre promenade au bord du Lay, par le chemin du Grand Bateau. Cet espace boisé s’étire au pied du coteau de Puymaufrais, offrant la quiétude de ses berges aux pêcheurs et aux promeneurs.
Balade champêtre sous les frondaisons du Grand Bateau
Le bruit de la rivière et le chant des oiseaux berçaient notre marche
Nous voici arrivés à la hauteur du pont de la Rochette. Les Vendéens l’avaient rompu en 1793, comme ils avaient coulé toutes les embarcations sur le Lay, afin d’empêcher les Bleus de franchir la rivière. Ne restaient que de rares gués, difficilement praticables, sinon gardés par les gars de Gaspard de Béjarry, comme à Poële-Feu.
Le pont de la Rochette sur le Lay
Non loin de la Ricottière, un immense chêne mort dresse sa ramure
au milieu d'un champ
De là, nous avons poursuivi notre chemin tout droit, vers le logis de la Ricottière. Cette élégante gentilhommière du XVIIe siècle, agrandie au XIXe siècle, offrit l’asile à l’abbé Desplobeins. Elle appartenait à l’époque à Philippe Jacques Barré, dont le grand âge – il était né en 1726 – ne lui avait pas permis d’émigrer. Il put ainsi conserver ses propriétés, et même acquérir l’église et la cure de Puymaufrais, vendues comme biens nationaux en 1798, pour les restituer au clergé quand la paix fut rétablie.
Notre groupe à l'entrée de la chapelle de la Ricottière
Nos hôtes de la Ricottière, dont l’hospitalité et la gentillesse nous ont tous profondément touchés, nous ont invités à prendre des rafraîchissements et quelques gourmandises bienvenues, avant de nous entraîner vers le grenier où le prêtre vendéen célébrait clandestinement la sainte messe au temps où cette célébration mettait les vies en péril. Cette découverte nous a enthousiasmés, en particulier la cachette de l’abbé Desplobeins, dans laquelle plusieurs d’entre nous se sont faufilés avec curiosité.
La cachette de l'abbé Desplobeins (à gauche)
et l'escalier d'accès au grenier (à droite)
Richard mène une exploration poussée du grenier
À la descente du grenier, vue sur la Ricottière côté cour
Puis nous sommes descendus dans la cour du logis, par le vieil escalier de bois qu’empruntait le curé de Puymaufrais pour gagner son refuge. Sortis par le grand porche, nous nous sommes peu après dirigés vers la chapelle, à l’entrée du logis. Bâti vers 1850, cet édifice carré sans grande ornementation au-dehors, révèle à l’intérieur un décor exquis, aux murs peints en trompe-l’œil, rythmés de colonnades et de pilastres soutenant des corniches et un fronton en stuc, le tout couvert d’une voûte d’un bleu profond semée d’étoiles d’or. Sous une bannière brodée à l’effigie de saint Louis se dresse l’autel sauvé des ruines de l’ancienne église de Puymaufrais, sur lequel l’abbé Desplobeins officia avant les Guerres de Vendée. Cette visite de la Ricottière et l’accueil chaleureux de nos hôtes nous ont comblés. Qu’ils en soient mille fois remerciés !
La chapelle et l'autel de l'ancienne église de Puymaufrais
Notre promenade touchait à sa fin. Richard nous réservera pour une prochaine fois la dernière étape du programme, à Saint-Vincent-Fort-du-Lay. Nous avons regagné notre point de départ devant l’église, en passant par le Grand Bateau dont le charme pittoresque ne laisse pas de nous séduire. Il était temps de se séparer, non sans avoir promis de nous revoir bientôt pour une nouvelle balade historique, prévue en août àÉtusson (Deux-Sèvres).
Ronde et couverte de tuiles en écailles, la fuie de la Ricottière date du XVIIe siècle
À lire également le compte rendu de Richard Lueil sur son blog Chemins secrets
(1) Richard Lueil, Compléments sur l’histoire de Saint-Vincent et Puymaufrais, le curé Desplobein retrouvé !, Savoir n°88, Mars 2009, pp. 61-63