J’ai eu le plaisir de servir de guide aux Amis du Pont-Paillat, hier, pour une visite commentée de La Poitevinière pendant les Guerres de Vendée. Située au cœur des Mauges, cette commune abrite nombre de souvenirs dont elle conserve une trace bien visible dans les noms de ses rues.
Le passage Pierre Humeau, soldat de Jacques Cathelineau,
une nouvelle plaque de rue de La Poitevinière
Le passage Courbet, tout près de l’église, évoque un personnage étonnant de l’histoire de La Poitevinière, Pierre Courbet. Charpentier de métier, il acquit une petite auberge (l’actuelle boulangerie), où se déroula un épisode fameux de la Révolution dans les Mauges. Pierre Courbet fut élu maire à la fin de l’année 1790. Mais il démissionna de cette fonction, afin de protester contre l’installation d’un prêtre jureur à La Poitevinière. Nommé peu après procureur de la commune, il réunit chez lui les représentants de 34 municipalités voisines, le 30 avril 1792, qui décidèrent de se retrouver au même endroit le 8 mai suivant, pour envoyer une pétition à l’Assemblée Législative demandant le retour des prêtres insermentés. Mais ce « complot de La Poitevinière » fut dispersé par la force armée et certains de ses membres, dont Pierre Courbet, incarcérés au château d’Angers. Il en fut cependant libéréà la fin de l’année 1792. Le soulèvement vendéen n’allait pas tarder àéclater. Pierre Courbet fut « l’un des premiers à partir dans les armées catholiques et royales de l’Anjou ». Il mourut au début de l’année 1794.
Tout près de là se trouve une plaque plus récente, celle de l’impasse de l’abbé Henri Masson. Curé de la Poitevinière sous la Révolution, ce dernier refusa le serment constitutionnel, comme la plupart de ses confrères. Interné au Séminaire d’Angers, il fut libéré lorsque les Vendéens s’emparèrent de la ville, le 18 juin 1793. Il rentra alors dans sa paroisse. Il y mourut en 1804. Son vicaire, l’abbé Bordère, refusa lui aussi de prêter serment et demeura dans la clandestinité pour apporter le secours de la religion à ses paroissiens. Il succéda à l’abbé Masson et s’éteignit à La Poitevinière en 1820. Notre groupe s’est d’ailleurs rendu au cimetière pour se recueillir devant les tombes de ces deux prêtres.
Devant l’église s’étend la petite place du 22 janvier 1794. Cette date funeste marque le passage d’une colonne infernale à La Poitevinière. Parmi les massacres commis ce jour-là, celui du jardin de la cure est resté dans les mémoires. À cette époque, l’église se situait plus au sud et n’était pas orientée vers le nord comme aujourd’hui. Le lieu du massacre se trouve près du bar-restaurant en contrebas. Parmi les victimes figurent plusieurs membres de la famille Ripoche : Jeanne, la mère âgée de 36 ans, et ses enfants, Pierre 9 ans, Marie 2 ans, et Hortense 6 mois, embrochée par un soldat républicain qui porta le petit corps en trophée. Le père, Joseph Ripoche, était à l’armée de Stofflet ce 22 janvier. La mère de Jeanne compte également au nombre des Martyrs.
Partant vers le cimetière, nous avons ensuite croisé la rue du 10 décembre 1793, date à laquelle les républicains incendièrent le bourg de La Poitevinière. Après la fuite de la Grande Armée vendéenne au nord de la Loire, le 18 octobre 1793, les Bleus ont réinvesti les Mauges. Une petite troupe commandée par Pierre Cathelineau, le frère de Jacques, s'est toutefois maintenue sur place, ce qui a valu à ce dernier foyer de résistance de dures représailles.
Le cimetière de La Poitevinière abrite, outre les sépultures des abbés Masson et Bordère, la tombe d’un simple combattant vendéen, Pierre Humeau, célèbre dans l’histoire pour avoir relevé Cathelineau, mortellement blesséà la bataille de Nantes le 29 juin 1793. Il transporta son général jusqu’à Saint-Florent-le-Vieil, où celui-ci rendit son âme à Dieu le 14 juillet suivant. Pierre Humeau est connu d’autre part comme le seul soldat vendéen photographié. Sa longévité– 102 ans ! – lui permit de profiter de cette technologie nouvelle qui nous offre ainsi l’image exceptionnelle d’un contemporain de Cathelineau, que j'ai pu présenter aux participants. À noter qu’une nouvelle plaque de rue, le passage Pierre Humeau, a été récemment posée à l’arrière de l’église.
Nous sommes repartis vers la rue Perdriau, passant devant l’impasse Jean Bréheray, dont je me plais à penser qu’elle est dédiée à ce métayer de La Poitevinière, fusillé au Champ des Martyrs d’Avrillé en janvier 1794. Cette rue Perdriau nous a menés à la Croix du Vexilla Regis. En chemin, nous avons fait halte devant l’impasse Antoine Fournier. Néà La Poitevinière en 1736, ce tisserand installéà Cholet eut deux fils. Le premier, Jean-Baptiste, né en 1764, devint prêtre juste avant la Révolution et refusa à son tour le serment constitutionnel. Exilé en 1792, il fut nommé au retour de la paix vicaire à Saint-Paul-du-Bois, puis Saint-Christophe-du-Bois, avant de devenir curé du Voide. Il sera le mentor de l’abbé Félix Deniau, l’illustre historien de la Vendée, dont il assura l’éducation et qu’il conduisit au sacerdoce. Le fait d’avoir un fils prêtre, réfractaire de surcroît, valut à Antoine Fournier de se faire arrêter le 29 décembre 1793. Son « crime » le mena sans appel au peloton d’exécution. Fusillé au Champ des Martyrs d’Avrillé, il sera béatifié par le Pape Jean-Paul II en 1984.
Continuons dans la rue Perdriau. Jean Perdriau fut « l’un des premiers chefs de l’insurrection du pays des Mauges ». Néà Beaulieu-sur-Layon en 1746, cet ancien caporal devenu employé des gabelles, puis voiturier et marchand de tabac, eut un rôle majeur – hélas brisé par une mort prématurée après moins d’un mois de combats – dans le déclenchement du soulèvement vendéen, au même titre que Cathelineau. Présent lors de l’émeute de Saint-Florent-le-Vieil, le 12 mars 1793, il comprit aussitôt l’enjeu de cet événement et ses conséquences. Il accourut alors vers La Poitevinière et prit la tête, le lendemain, d’une petite bande armée qui marcha sans attendre vers le château de Jallais tenu par une garnison républicaine. Le chemin qu’il emprunta existe toujours. Nous l’avons suivi à notre tour, plongeant sous les épaisses frondaisons d’un authentique chemin creux jusqu’à la tour de la Bouëre. Ce fut l’occasion de brosser un portrait du comte de la Bouëre, officier de l’Armée d’Anjou, et de son épouse, la célèbre mémorialiste.
De retour à La Poitevinière par le même chemin, et après un goûter bien mérité, nous nous sommes rendus au Pin-en-Mauges, afin de présenter à ceux qui découvrent à nos côtés l’histoire de la Vendée, le fabuleux ensemble de vitraux illustrant en lumière toute l’épopée de la Grande Guerre de 1793. Le jour déclinait déjà, il était temps de se séparer devant la maisonnette de Cathelineau, en nous promettant de nous retrouver bientôt pour une nouvelle promenade.
Un grand merci à Monsieur Cholet, de l’association La Poitevinière dans le rétro, à qui l’on doit les nouvelles plaques de rue de l’abbé Masson et de Pierre Humeau, et qui est venu nous saluer au départ de notre visite !
Je me suis contenté de présenter ici les photos des plaques de rue, déjà nombreuses. Je n'y rajoute pas toutes celles de notre promenade : elles pleuvent sur les pages Facebook des participants.
Toutes ces plaques sont ajoutées à l'Album des rues vendéennes