Publiés au mois d’avril 2017, Les secrets de la Révolution française, de Marie-Hélène Baylac, nous entraînent dans une suite de récits sur les multiples facettes d’une histoire occultée par le dogme jacobin, sur ses protagonistes oubliés – nobles, femmes, comédiens, etc. – et sur ses aspects les plus sombres de cette époque.
« L’histoire est écrite par les vainqueurs. » Si cette citation bien connue traduit l’injustice dont la Vendée a eu à subir pendant plus de deux siècles, elle s’étend plus largement à l’enseignement de la Révolution française durant la même période, au cours de laquelle les « vainqueurs » jacobins et leurs héritiers ont relégué au rang d’ennemis et de traîtres, à la fois les Vendéens, les Girondins et toute autre faction hostile à la dictature montagnarde de Paris. Le livre de Marie-Hélène Baylac prend le contre-pied de cette histoire officielle de la Révolution en dévoilant ses « secrets », non par des révélations ou des découvertes inédites, mais par le récit d’événements et le portrait de personnages honnis par l’historiographie jacobine.
Au fil de la chronologie, l’auteur aborde ces « secrets » en une suite de chapitres qu’on peut lire indépendamment les uns des autres. Le premier, qu’elle consacre à la prise de la Bastille, fait fi de la mythologie républicaine pour se focaliser sur la formidable opération de « marcketing » politique qu’entreprit le citoyen Palloy en mettant la main sur le gigantesque stock de matériaux issus de la démolition de la forteresse.
«Les vrais révolutionnaires n'étaient pas ceux que l'on croit.»
D’autres chapitres mettent en avant l’influence décisive de l’Amérique et de sa guerre d’indépendance dans le déclenchement de la Révolution ; l’incidence du prix du pain qui semble agir, entre pénuries et bonnes récoltes, sur le cours de l’histoire ; le rôle essentiel des nobles dans tous les grands débats de 1789 à 1790, mais aussi l’action déterminante des femmes qui, si elles obtinrent des droits civils (sur lesquels reviendra le Code civil de 1804), furent les grandes perdantes du nouveau régime au regard de leur engagement en sa faveur. À ce titre, le portrait de Charlotte Corday nous révèle les vraies raisons de l’assassinat de Marat.
La famille royale occupe une place de premier plan puisqu’on la croise dans le chapitre de « La double fuite de juin 1791 » ; dans l’affaire de l’armoire de fer, qui montre que les papiers qu’on y découvrit étaient loin de compromettre Louis XVI ; jusque dans les cachots du Temple, d’où seule Madame Royale sortit vivante. Le tableau du procès du roi, peint par l’auteur de manière très vivante, fait la part belle au vote des députés, à cet appel interminable qui laisse jusqu’au bout toute l’assemblée dans l’incertitude et qui s’achèvera par un verdict fatal, après maints rebondissements et la pression menaçante des partisans de la mort.
Le chapitre intitulé« La Révolution se fait aussi au théâtre » dévoile un aspect original et méconnu des luttes qui virent s’affronter les « rouges, démocrates » et les « noirs, aristocrates » sur les scènes parisiennes. La représentation de la pièce L’Ami des lois au très conservateur théâtre de la Nation, véritable affaire d’État dont se saisit même la Convention, aboutira au début de l’année 1793 à l’arrestation des acteurs « jugés inciviques » et à fermeture de cette salle. Dès lors privée de liberté d’expression, la scène artistique cessa d’être un lieu de débat pour ne plus accueillir que de médiocres créations entièrement vouées à la propagande officielle.
La Vendée, un génocide qui ne dit pas son nom
La résistance à la dérive totalitaire du nouveau régime prend d’autres formes comme en Normandie, refuge des Girondins contre la dictature de Paris ; ou en Vendée dans un chapitre consacréà ce « génocide qui ne dit pas son nom ». On est là au cœur de l’histoire interdite de la Révolution. Marie-Hélène Baylac décrit ici tous les moyens mis en œuvre pour réduire l’insurrection vendéenne, puis « anéantir une région et ses habitants rebelles devenus le symbole de la contre-révolution ». Son développement sur les fusillades de masse, les noyades et les Colonnes infernales aboutit à un (trop) bref exposé résumant l’opposition entre Reynald Secher et Jean-Clément Martin sur la question du génocide vendéen.
Au fil des pages, la Révolution prend ainsi un tour inhabituel, entraînant le lecteur dans le pillage rocambolesque du Garde-Meuble, le plus grand casse de tous les temps ; redessinant la carte de France, pour ensuite changer les noms des villes et des villages ; racontant comment on « messait » effrontément, même en pleine Terreur ; et retraçant enfin la carrière fulgurante des militaires, dont certains gravirent en seulement deux ans tous les échelons de la hiérarchie.
On le voit, les thèmes ne manquent pas pour relater cette histoire non-officielle de la Révolution française. Bien rythmé, agréablement écrit et toujours documenté, le livre de Marie-Hélène Baylac est à conseiller à tous ceux qui souhaitent échapper au dogme jacobin. Ils comprendront sans peine que la république n’était pas une évidence et que la mort du roi n’était pas jouée d’avance.
Les secrets de la Révolution française, par Marie-Hélène Baylac, Librairie Vuibert, avril 2017, 288 pages, 19,90 €