L’Office de Tourisme du Choletais proposait jeudi dernier une visite guidée des lieux de mémoire des Guerres de Vendée à Saint-Paul-du-Bois, à commencer par la chapelle Notre-Dame de Haute-Foy, toujours très fréquentée. Toutefois nombre de sites historiques, de massacres surtout, demeurent très peu connus.
La chapelle Notre-Dame de Haute-Foy
Cette visite a été menée sous la houlette de Gérard Guinefolleau, un Saint-Paulais passionné par histoire et le patrimoine de sa commune, mais qui dévie bien souvent vers son autre sujet de prédilection, la géobiologie. Formé par le célèbre abbé Alexandre Perraud, il n’hésite pas à mettre à contribution ses talents de radiesthésiste pour confirmer les récits transmis pour l’essentiel par la tradition orale, en particulier lorsqu’il s’agit de retrouver les traces des massacres de 1794.
La chapelle Notre-Dame-de-Haute-Foy
La première étape était fixée à Notre-Dame de Haute-Foy, une chapelle située à l’écart du bourg, en bordure du bois de la Gaubertière jadis bien plus étendu. Cet endroit reculé abrita des messes clandestines sous la Terreur. Il ne reste qu’un élément de l’ancienne chapelle, le clocheton du pignon de la façade, désormais posé au sol. L’édifice fut en effet entièrement reconstruit en 1851.
L'ancien clocheton de la chapelle, et le nouveau
Six vitraux riches en couleurs racontent dans la petite nef l’histoire des lieux, notamment dans la travée centrale deux épisodes des Guerres de Vendée à Saint-Paul-du-Bois. Le premier porte en légende : « En 1795, Massicot, chef de quartier à St Paul, et quelques chasseurs de Stofflet endurcis par la guerre, menacent l’abbé Bouchet qui leur a rappelé certaines règles de morale chrétienne ». On trouve le récit de cette anecdote dans l’Histoire de la Vendée par l’abbé Deniau (t. V, pp. 115-116) :
« Ce Massicot (charbonnier à Saint-Paul-du-Bois) et quelques autres de ses soldats étaient de ces Royalistes que la licence des camps avait rendus immoraux et cruels. Comme ils s’étaient permis de graves outrages envers des femmes vertueuses, M. Bouchet, vicaire de Montreuil-Bellay, et nommé desservant de Saint-Paul-du-Bois, s’éleva énergiquement contre leurs désordres au prône de la messe qu’il célébrait à la chapelle de Haute-Foi et quatre chasseurs de Stofflet, qui en furent avertis, entrèrent en fureur contre ce prêtre. Massicot voulut même s’introduire à cheval dans la chapelle, au moment du saint sacrifice de la messe, pour se venger des invectives de M. Bouchet. La foule eut beaucoup de peine à réprimer sa colère, et à l’arrêter dans son criminel dessein.»
Les deux verrières des Guerres de Vendée
Il reste à vérifier s’il s’agit bien de l’abbé Bouchet, car le Dictionnaire du Maine-et-Loire mentionne de son côté Gabriel-André Brunet de La Charie, « vicaire rétracté de Montreuil-Bellay », qu’on trouve, lui, dans le registre paroissial de Saint-Pierre. Ce dernier sera arrêté et tué par les Bleus à des dates variables selon les sources, de décembre 1795 à avril 1796. Ce ne sont pas les seuls à soulever quelques questions. François Grille, par exemple, cite un « nommé Laussat, vicaire de Saint-Paul-du-Bois » qui « avait imaginé de communier les patriotes malades avec des hosties empoisonnées » (La Vendée en 1793, t. I, p. 84). Or, nulle trace de ce Laussat ne figure dans les registres. Naturellement, le très républicain Célestin Port ne manqua pas de recopier cette affirmation.
Le second vitrail de Notre-Dame de Haute-Foy montre un combattant vendéen revenant chez lui pour y trouver sa femme égorgée et sa petite fille encore vivante. Il s’exclame en légende : « Mère, ton Fils a pardonné… Apprends-moi à l’imiter ». Dans le chemin passe une troupe de Vendéens conduite par La Rochejaquelein, Stofflet, Bénard (de la Redrèze), capitaine de la paroisse, et Paul Essioux, ancien grenadier aux gardes françaises qui fut blesséà Coron le 11 avril 1793. Tous sont pris à témoin devant le martyre des habitants de Saint-Paul.
Des lieux de massacres tout autour de Saint-Paul-du-Bois
Après cette visite de la chapelle et un passage à la fontaine voisine, Gérard Guinefolleau nous a amenés à l’endroit où s’élevait autrefois la « croix du houx ». C’est ici que des habitants cachés dans les bois alentour, surpris par les Bleus, furent exécutés. En souvenir de ce drame, les paysans prirent l’habitude de tailler un houx en forme de croix. L’arbuste a hélas disparu depuis lors, mais une autre croix de ciment hérissée de pointes métalliques, dangereuse évocation du vieux houx, fut érigée à proximité.
Le manoir de la Gaubertière, QG de La Rochejaquelein et Stofflet
Nous avons ensuite fait étape au manoir de la Gaubertière, belle demeure rebâtie au XVIIIe siècle (la tour date du XIXe), où La Rochejaquelein et Stofflet établirent un temps leur quartier général, puis sur la petite route de la Giraudière à la Rainsonnière. Là, près d’un puits aujourd’hui caché, des Saint-Paulais pensèrent trouver un refuge sûr, mais furent débusqués par des soldats républicains qui les traînèrent et en massacrèrent quelques-uns sur le chemin, avant de tuer tous les autres à la sortie du village de la Raisonnière. On exhuma les restes des victimes, beaucoup de crânes, du fond de la mare qu’on voyait à l’époque sur le cadastre ancien de Saint-Paul-du-Bois.
Ce hameau déjà conséquent à la fin du XVIIIe siècle, a conservé une vieille masure de torchis, exemple rarissime des maisons rurales contemporaines des Guerres de Vendée, encore « dans son jus »à l’intérieur.
Un ancien four à pain dans lequel une femme aurait été brûlée vive
Après cela nous avons pris route de Saint-Hilaire-du-Bois pour découvrir dans une ferme le vestige d’un four à pain dans lequel, dit-on dans ce pays, une femme fut brûlée vive par les Bleus. La fin du parcours n’était guère plus souriante, puisqu’à Maurepas, c’est une jeune femme qui fut violée par les soldats.
De retour dans le bourg de Saint-Paul, Gérard Guinefolleau a retracé l’histoire des reconstructions de l’église et de sa nef à rallonges. Il n’a pas manqué de clore son exposé par le récit de la mort du curé jureur Jacques-Joseph-Mathias Delahaye qui allait jusqu’à chanter la Carmagnole en chaire ! Son hostilitéà l’égard des insurgés lui valut d’être abattu par Henri de La Rochejaquelein lui-même, à ce qu'on prétend, derrière ce qui fut le cimetière des moines (l’endroit nous a été indiqué), autour du 21 janvier 1794 selon notre guide. On lit cependant dans Les Vendéens d’Anjou de Claude Petitfrère, que cette exécution sommaire aurait eu lieu le 31 décembre 1793 (p. 192).
Le côté nord de l'église de Saint-Paul-du-Bois
On peine à imaginer qu’autant d’événements aient eu pour théâtre cette paroisse vendéenne dont les historiens parlent si peu. Elle souffrit pourtant, plus que beaucoup d’autres, des malheurs de la guerre, sa population passant de plus de mille habitants au début de la Révolution à seulement 466 en 1801. Ce serait rendre justice à tous les disparus que de placer sur quelques-uns des sites visités une signalétique rappelant l’histoire tourmentée de Saint-Paul-du-Bois.
Quelques détails des vitraux de Notre-Dame de Haute-Foy :