Pour approfondir mon article sur les deux frères Nicolas (René et Eugène), j’ai exploré plus avant leur arbre généalogique, que l’édition révisée du Dictionnaire du Maine-et-Loire qualifie de « complexe », tout en mélangeant allègrement les noms.
Au risque de n’intéresser que les fondus de généalogie, je vais tâcher de démêler les différents membres de cette famille du pays choletais, au milieu de laquelle les historiens se perdent bien souvent. Elle le mérite en raison de son engagement dans les Guerres de Vendée. Afin d'y mettre d'emblée un peu de clarté, voici une généalogie simplifiée des personnages qui vont suivre :
Le Dictionnaire du Maine-et-Loire confond deux Nicolas
Célestin Port, dans l’édition originale de son Dictionnaire du Maine-et-Loire (1), écrit que René-Sébastien Nicolas (le père), « néà Mazières, blanchisseur à Cholet, membre du comité royaliste de Cholet, y commandait en l’an IV une division sous les ordres de Stofflet. Le Moniteur du 11 ventôse annonce qu’il vient d’être pris, avec son neveu et trois autres chefs, et fusilléà Cholet… » C’est en partie inexact car il y a deux personnages confondus dans cet énoncé. La suite de la notice, que je ne reproduis pas étant donné qu'elle ne comporte pas d’erreur, concerne le fils, René Nicolas, le demandeur d’une pension.
L’édition révisée du Dictionnaire du Maine-et-Loire tente de rectifier l’information, tout en embrouillant davantage les choses : Elle cite d’abord « René-Sébastien, néà Mazières le 20 janv. 1758, blanchisseur à Mazières puis à Cholet, épouse le 5 fév. 1777 Marie-Françoise Fonteneau de Mazières. Il est membre du comité royaliste. Il commandait en l’an IV une division sous les ordres de Stofflet. Le Moniteur du 11 ventôse (1er mars 1796) annonce qu’il “vient d’être pris avec son neveu et trois autres chefs, et fusilléà Cholet le 1er de ce mois” (20 février 1796) » ; puis elle ajoute un autre René (qui est pourtant le même que celui des deux premières phrases du précédent), « néà Mazières, blanchisseur à Cholet, (il) comparut devant la commission militaire d’Angers pour avoir été membre du comité de Cholet le 28 déc. 1793 et fut fusillé le 12 janv. 1794 à la Haye-aux-Bonshommes ». Suit également un mot sur le fils, René Nicolas.
Comme je l’ai dit précédemment, René-Sébastien, néà Mazières en 1758 et marié en 1777 avec Marie-Françoise Fonteneau, était bien blanchisseur à Cholet, membre du comité royaliste de la ville. En revanche il n’a jamais été divisionnaire de Stofflet en l’an IV, et pour cause, il a été fusilléà Avrillé le 12 janvier 1794. Les deux premiers René cités par l’édition révisée du Dictionnaire de Célestin Port sont donc bien enchevêtrés.
Jean Nicolas, chef de la division de Cholet, tué en février 1796
Mais alors, qui est cet autre Nicolas, commandant une division sous les ordres de Stofflet ? Les historiens ne le mentionnent que sous son nom : « La division de Cholet fut commandée par Nicolas, brave métayer de Nuaillé… » (2). Il doit s’agir du frère de René-Sébastien, prénommé Jean. Né le 28 mars 1765 à Mazières-en-Mauges, il s’était mariéà Nuaillé le 4 août 1790 avec Françoise Gourdon, de cette paroisse.
Sa fin nous est connue par le récit de Michel-Antoine Coulon, qui fut un temps le secrétaire de Stofflet : « Ce fut pendant notre séjour dans la forêt (de Maulévrier) que le brave Nicolas, chef de la division de Cholet, fut attaquéà la Brarderie (3) et y périt victime de son courage, avec les braves Charieu jeune et Renou ; Fontaine, de Maulévrier, et le jeune Nicolas y furent faits prisonniers : le premier fut fusilléà Cholet et le second envoyé prisonnier d’État à Limoges » (4). Contrairement à ce qu’annonce le Moniteur, Jean Nicolas a été tué au combat et n’a pas été fusilléà Cholet.
La Brarderie (ici notée Brardière) sur le cadastre ancien de Maulévrier, daté de 1810 (A.D. 49). La Durbellière, visible en haut, n'a bien sûr rien à voir avec le château d'Henri de La Rochejaquelein.
En recherchant dans le fonds du S.H.D. aux Archives de la Vendée, je suis tombé sur le rapport du capitaine Devillers au général Hoche, qui décrit les circonstances du combat où périt Jean Nicolas :
« Le premier bataillon de la 50e demi-brigade d’infanterie cantonné au village de Maulévrier reçut le 29 du mois dernier (soit le 18 février 1796) l’ordre de faire le soir même une marche nocturne autour de son emplacement à l’effet de fouiller les bois et métairies qui l’environnent. Parvenu à celle nommée la Borderie (la Brarderie), le commandant arrêta la troupe et la disposa de manière à ne laisser échapper à la vengeance républicaine aucun des brigands qui auraient pu s’y réfugier ; il détacha ensuite un officier et 4 hommes à qui il donna l’ordre de chercher partout. Ceux-ci parvinrent dans l’endroit où se trouvaient cinq brigands qui engagèrent le feu. L’officier et un de ses quatre hommes furent dangereusement blessés, trois des brigands voulant fuir à travers d’une croisée ont reçu la mort (le dieu de nos armes a voulu que le scélérat Nicolas, chef de division de Stofflet soit du nombre). Les deux autres qui font l’objet du jugement ont été se cacher dans un grenier où ils furent poursuivis. Ne tirez pas, leur dit-on, et rendez-vous, il ne vous sera pas fait de mal… » (5)
Extrait de l'interrogatoire de René« Fonteneau », qui n'est autre que René Nicolas
(A.D. 85, SHD B 5/35-81)
René Nicolas et René Fonteneau ne font qu’un
Ce fut vrai seulement pour le plus jeune, comme le montre la suite du document qui fait état des interrogatoires, des témoignages de soldats républicains présents à cette affaire, et du jugement des deux survivants : Pierre Fontaine, 20 ans, tisserand originaire de Maulévrier, « réputé adjudant-major chef », fut condamnéà mort ; René Fonteneau, 18 ans, natif de Mazières et blanchisseur, fut épargné en raison de son âge et de « la manière dont il a été instigué par un oncle qui était divisionnaire des brigands » ; on le condamna à quatre mois de prison et une amende égale à la moitié de son revenu.
René« Fonteneau » ? Coulon l’appelle pourtant « le jeune Nicolas ». S’il avait 18 ans en 1796 (il est donc né en 1778), qu’il était originaire de Mazières-en-Mauges, blanchisseur avant la Révolution, et en outre neveu de Jean Nicolas, il ne pouvait être que René Nicolas, celui-là même qui fit une demande de pension appuyée par son frère Eugène, curé d’Yzernay. C’est par conséquent sous le nom de sa mère, « Fonteneau », qu’il se déclara aux républicains lors de son interrogatoire. L’affaire aurait mérité de figurer dans son dossier de pension.
Chez Crétineau-Joly, le fils Nicolas est en réalité le neveu
Concluons en extrayant de l’Histoire de la Vendée militaire, de Jacques Crétineau-Joly, la mention du nom de Nicolas dans l’état de l’armée de d’Autichamp en 1815 (6). Il s’en trouve un, cité comme chef de bataillon et garde du corps, dont le « père, chef de la division (de Cholet), fut tué en 1796 ». On lit plus loin qu’il « a très bien fait la guerre de 1799… »
Difficile de croire qu’il s’agisse du fils aîné de Jean Nicolas, né en 1791 et donc âgé de 8 ans lors de la guerre de 1799 ! C’est en fait son neveu, le fameux René Nicolas de l’affaire de Maulévrier en février 1796, du combat des Échaubrognes en mai 1815, et demandeur d’une pension sous la Restauration.
Notes :
- Ce Dictionnaire de Célestin Port est consultable dans ses deux éditions, originales et révisée, sur le site des Archives du Maine-et-Loire.
- Théodore Muret, Histoire des Guerres de l’Ouest, t. II, p. 165 (réédition Pays et Terroirs).
- Métairie située près du château de la Frogerie, entre Maulévrier et Mazières-en-Mauges.
- Revue de Bretagne et Vendée, 1877, 2e sem., p. 183.
- Archives de la Vendée, Archives militaires de la guerre de Vendée conservées au Service historique de la Défense, SHD B 5/35-81, 24 février 1796.
- Tome V, p. 407.