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Les zouaves de Charette ont-ils combattu les communards ?

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Il n’est pas rare de lire dans l’abondante documentation émanant de la Commune de Paris, que les zouaves pontificaux commandés par Charette auraient participéà la répression aux côtés des soldats versaillais, et qu’il auraient même perdu leur drapeau au siège de Neuilly en avril 1871. Qu’en est-il réellement ?

Affiche 2 avril 1871 1Extrait de l'affiche de la commission exécutive de la Commune de Paris, 2 avril 1871 (Archives de Paris, Atlas 528)
   

Rappelons tout d’abord que le corps des zouaves pontificaux fut formé en 1861 afin de défendre les États du Pape menacés par l’unification de l’Italie entreprise par les Piémontais. À la chute de Rome en septembre 1870, le régiment fut rapatrié en France. L’un de ses commandants, Athanase Charette de La Contrie (1832-1911), petit-neveu du général vendéen, proposa alors au gouvernement de Défense nationale de rassembler ses zouaves dans un corps franc baptiséLégion des Volontaires de l’Ouest et de se joindre à la lutte des armées françaises contre l’invasion prussienne. Cette troupe portant la bannière frappée du Sacré-Cœur s’illustra en particulier à la bataille de Loigny, le 2 décembre 1870. Elle parvint même à prendre aux Prussiens le plateau d’Auvours, près du Mans, le 11 janvier suivant. Cela n’eut pas d'effet sur le cours de la guerre ; l’armistice fut signé deux semaines plus tard.
   

Charette LoignyLe général baron de Charette à la bataille de Loigny 
(vitrail de l'église de la Madeleine, Angers)
   

« Leschouans de Charette » au siège de Neuilly ?

Qu’ont fait ces Volontaires de l’Ouest commandés par Charette dans les semaines qui suivirent ? À en croire les proclamations de la commission exécutive de la Commune de Paris, qui faisait fonction de gouvernement de l’insurrection, ces hommes auraient uni leurs forces aux troupes versaillaises. Voici ce qu’on peut lire sur une affiche du 2 avril 1871 (illustration ci-dessous) :

« Les conspirateurs royalistes ont attaqué(…) Ne pouvant plus compter sur l’armée française, ils ont attaqué avec les zouaves pontificaux et la police impériale (…) Ce matin les chouans de Charette, les Vendéens de Cathelineau (1), les Bretons de Trochu (2), flanqués de gendarmes de Valentin (3) ont couvert de mitraille le village inoffensif de Neuilly et engagé la guerre civile avec nos camarades nationaux » (4).

Affiche 2 avril 1871
(Archives de Paris, Déclaration de la Commune suite à l’attaque par les Versaillais de Neuilly, Atlas 528)
   

Dans son journal de la Commune, Élie Reclus brode autour de la nouvelle : « Deux coups de canon partis de Versailles ont donné le signal de la guerre civile. En avant marchaient les volontaires catholiques, les zouaves pontificaux, les monarchistes bretons, les favoris de Trochu ; suivaient des troupes de ligne, chasseurs d’Afrique et autres ; derrière, les municipaux et gendarmes, les sergents bonapartistes, que Paris hait et qui haïssent Paris. Ils étaient commandés, dit-on, par le bonapartiste baron de Vinoy, par les légitimistes baron de Charette et Cathelineau ; ils ont, dit-on, déployé dans l’action un drapeau blanc ; on a entendu crier “Vive le Roy !” » Suit la description de l’attaque de Neuilly par les Versaillais, où l’on voit les fédérés « accueillis par la fusillade des zouaves de Charette, embusqués derrière une barricade et qui les mitraillaient aux cris de “Vive le Roy !” » (5)

Le 5 avril 1871, la Commune de Paris accuse à nouveau les troupes de Charette et Cathelineau : « Chaque jour les bandis versaillais égorgent ou fusillent nos prisonniers (…) Les coupables, vous les connaissez : ce sont les gendarmes et les sergents de ville de l’empire, ce sont les royalistes de Charette et de Cathelineau qui marchent contre Paris au cri de : Vive le Roi ! et drapeau blanc en tête… » (6).

Le général Cluseret, déléguéà la guerre de la Commune de Paris, rapporte en outre qu’au siège de Neuilly, le 16 avril 1871, ses hommes ont emporté trois barricades et pris sur l’une d’elles « un drapeau aux zouaves pontificaux » (7).

Ces proclamations sont pourtant contredites par un communard, Gaston Da Costa, qui écrit à la suite de celle du 2 avril 1871 : « Pourquoi mentir ? Ni les chouans de Charette, ni les Vendéens de Cathelineau, ni les Bretons de Trochu, bien qu’appelés par l’assemblée versaillaise, n’assistaient à l’affaire du 2 avril » (8).

« Si l’ordre du ministre fut venu huit jours plus tôt,
les Volontaires de l’Ouest aurait fait partie de l’armée de Versailles 
»

Si l’on suit en effet les mouvements des Volontaires de l’Ouest de janvier à avril 1871, il ne semble guère possible de les voir à l’assaut des barricades de Neuilly.

Dès le lendemain de la prise du plateau d’Auvours le 11 janvier 1871, les 1er et 3e bataillons des Volontaires de l’Ouest avaient battu en retraite pour se replier vers Sillé-le-Guillaume, puis Mayenne, avant de se rassembler à Rennes avec le 2e bataillon venu de Poitiers. Au même moment, le 24 janvier, un décret ministériel donna à Charette le commandement d’une division au sein d’une armée de Bretagne destinée à défendre l’Ouest de la France sur une ligne allant de Caen à Angers, face aux Prussiens. Cette division comptait 14.000 hommes. « Toute la légion des volontaires de l’Ouest y était réunie et en formait pour ainsi dire le noyau » (9).

Pendant deux semaines, Charette s’employa à relever l’instruction et la discipline de ses troupes, et à les armer du mieux qu’il pouvait. Le 15 février, sa division quitta Rennes pour se porter sur la ligne de défense de la Mayenne. Quand l’armistice mit fin aux opérations le 26, elle se replia sur Fougères quelques jours avant la démobilisation. Il ne restait plus que 650 hommes à la mi-mars. C’est alors que Charette reçut l’ordre de réunir le plus vite possible 2.000 hommes et de les conduire à Rambouillet. Il se rendit aussitôt à Paris pour expliquer à son supérieur que son effectif était trop petit et formé surtout de cadres. « Si l’ordre du ministre fut venu huit jours plus tôt, les Volontaires de l’Ouest aurait fait partie de l’armée de Versailles » (10).

Le 23 mars, Charette amena les reste de sa troupe à Rennes et eut de la peine à en faire grossir le nombre. L’immobilité des anciens zouaves dissuada les volontaires de les rallier. « Ces lenteurs furent cause à leur tour que la légion ne partit pas pour Rambouillet, l’armée de Versailles s’étant trouvée bientôt assez nombreuse et en force contre l’émeute ». Il y a peut-être aussi une autre raison au maintien des Volontaires de l’Ouest à Rennes : « Les journaux de la Commune racontaient alors chaque matin que les zouaves pontificaux, les soldats du Pape, combattaient dans l’armée de Versailles, marchant à l’attaque de Paris sous un drapeau blanc » (11). Leur présence réelle aurait pu exciter davantage les partisans de la Commune.

Charette ne pouvait donc pas se trouver au siège de Neuilly, ni dans le chaos des rues parisiennes en avril-mai 1871. Quelques jours après l’écrasement des derniers communards, le général voulut perpétuer le souvenir de la charge de Loigny en consacrant sa légion au Sacré-Cœur de Jésus dans la chapelle du séminaire de Rennes. La précieuse bannière des Volontaires de l’Ouest était déployée devant l’autel… faisant mentir le général Cluseret.
   

Vitrail La GaubretiereLe Vendéen de 1793 et le Volontaires de l'Ouest de 1870 avec sa bannière, au bas de la verrière du Sacré-Cœur (église Saint-Pierre de La Gaubretière)
      


Notes :

  1. Henri de Cathelineau (1813-1891), petit-fils du premier généralissime vendéen, avait levé un corps de combattants appelés les Croisés de Cathelineau pour défendre les États du Pape, à l’instar des zouaves pontificaux de Charette. Sa présence n’est pas plus avérée que ces derniers parmi les troupes versaillaises lancées contre la Commune de Paris.
  2. Il avait pourtant quitté la partie depuis la fin de janvier 1871. Originaire du Morbihan, le général Louis-Jules Trochu fut membre du gouvernement de la Défense nationale mis en place le 4 septembre 1870 après le désastre de Sedan. Adolphe Thiers prit sa place en février 1871.
  3. Le général Louis-Ernest Valentin, préfet de Police à Paris à partir du 24 mars 1871.
  4. Archives de Paris, Déclaration de la Commune suite à l’attaque par les Versaillais de Neuilly, Atlas 528.
  5. Élie Reclus, La Commune de Paris au jour le jour, 1871, 19 mars–28 mai, pp. 58-59.
  6. Mémorial illustré des deux sièges de Paris, 1870-1871, 2e édition, 1874, p. 286.
  7. Mémorial…, op. cit., p. 291.
  8. Gaston Da Costa, La Commune vécue (18 mars – 28 mai 1871), 1903, t. Ier, p. 348.
  9. Sauveur Jacquemond, La campagne des Zouaves pontificaux en France sous les ordres du général baron de Charette, 1872, pp. 173-174.
  10. Ibidem, p. 178.
  11. Ibidem, p. 179.
       

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