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« L’héroïne vendéenne » de Saint-Florent-des-Bois

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Une chapelle se dresse au milieu des vieilles tombes du cimetière de Saint-Florent-des-Bois. Son fronton porte l’inscription de Maynard de La Claye, mais un autre nom gravéà l’intérieur a suscité mon intérêt, celui de « l’héroïne vendéenne ». 

Saint-Florent-des-BoisLa plaque funéraire en mémoire d'Adélaïde Poictevin de La Rochette, héroïne vendéenne de l'armée de Charette
      

Ce nom apparaît en lettres d’or sur une plaque de marbre blanc scellée sur le mur de droite, derrière la lourde porte de la chapelle : « Adélaïde POICTEVIN de la ROCHETTE dite ( l’héroïne Vendéenne ) épouse du Chevalier Louis de Chantreau de la JOUBERDERIE décédée le 15 Octobre 1858 dans la 79ème année ». Son mari, cité au-dessus d’elle et qui aurait mérité lui aussi l’appellation de héros vendéen, repose à ses côtés dans cette chapelle. 

On connaît de cette « héroïne vendéenne » un portrait peint dans son grand âge, conservé– s’il l’est encore – au château de la Vergne, dans la campagne de Saint-Florent-des-Bois sur la route de La Roche-sur-Yon. Elle porte une coiffe bordant son visage de dentelles ruchées, son air est serein. Toutefois ses grands yeux lui confèrent une force particulière, eux qui ont vu se dérouler toute l’épopée et les malheurs de la Vendée, et qui l’abandonnèrent à la fin de sa vie. L’un de ces malheurs lui a valu une belle estafilade donnée par un coup de sabre reçu lors du dernier combat de Charette. On ne la distingue pas malheureusement, car le peintre l’a dissimulée dans l’ombre du nez en représentant notre héroïne de trois quarts.
   

Saint-Florent-des-Bois 1La chapelle de Maynard de La Claye, au cimetière de Saint-Florent-des-Bois
   

Une rescapée de la Virée de Galerne

Elle s’appelait Adélaïde-Suzanne-Thérèse Poictevin. Née à Luçon le 4 septembre 1780, de l’union de Louis-François-Marie Poictevin, seigneur de la Rochette, et d’Anne-Bonne-Adélaïde Boisson de La Couraisière, la jeune fille passa son enfance au château de la Barre, à Saint-Florent-des-Bois, mais la guerre civile l’en chassa en 1793. Elle se réfugia avec sa mère et sa sœur auprès de l’armée vendéenne, qu’elle suivit dans son expédition d’outre-Loire.

Elle endura tous les dangers et les privations de ce chemin de croix, perdit sa sœur, morte de fatigue et de misère sur le bord d’un sillon, et finit par être capturée avec sa mère dans un bois près de Nort. Toutes deux furent conduites à Nantes. La mère fut jetée en prison, tandis qu’Adélaïde, jugée trop jeune pour la suivre, fut placée comme ouvrière chez une citoyenne de la ville qui fit subir à cette « petite brigande » humiliations et mauvais traitements jusqu’à la paix de la Jaunaye, le 17 février 1795. Elle put alors rentrer au pays, seule et orpheline (1).

Sabrée à la bataille de la Bégaudière

Peut-être par désir de revanche, elle s’attacha à l’armée de Charette, qui relança les hostilités le 24 juin. On lui confia un cheval sur lequel elle brava à nouveau les périls de la guerre. La fortune des armes tourna cependant en défaveur des Vendéens, opposés à présent au général Hoche, un adversaire autrement plus efficace que les précédents commandants républicains. Leurs forces s’amenuisaient au fil des mois, au point que Charette ne pouvaient guère rassembler que 150 cavaliers et 80 fantassins (2) sur le champ de bataille de la Bégaudière, à Saint-Sulpice-le-Verdon, le 21 février 1796.

Ce combat funeste coûta la vie à une trentaine d’officiers vendéens, dont le frère du général, Louis-Marin. L’abbé Remaud, aumônier de l’armée de Charette, relate cette déroute dans ses Mémoires, et pour cause : il fut directement engagé dans la mêlée. « Je fus l’une des premières victimes qui pensa être immolée à la République, écrit-il ; plus de cinquante dragons me passèrent sur le corps, les uns m’offraient des coups de sabres, d’autres me tiraient presque à bout portant, à coups de pistolet ; la providence seule me sauva ce jour-là de tant de dangers. J’eus le bonheur dans ma misère même de sauver la bourse de l’armée et le portefeuille du général… » (3)

L’abbé Remaud mentionne plus loin le nom de notre héroïne : « Les Républicains féroces blessèrent deux jeunes demoiselles qui suivaient l’armée pour se dérober à leur fureur ; l’une étoit Melle de Coëttus (Couëtus), l’aînée, fille du général de ce nom, l’autre Mlle la Rochette ; elles reçurent à la tête plusieurs coups de sabre » (4). Cette dernière se laissa glisser à bas de son cheval et se sauva dans un bois voisin. Craignant d’y mourir de faim et de froid, elle résolut de se rendre aux soldats républicains qui la conduisirent devant les cadavres gisant sur le terrain pour qu’elle les identifie. Refusant de livrer aucun renseignement à l’ennemi, elle répondit avec indifférence qu’elle ne les connaissait pas.

Le mouchoir aux pièces d’or

Les Bleus la menèrent ensuite, avec Mlle de Couëtus, au château de la Chambaudière (5), à Saint-Étienne-du-Bois, où se trouvait Travot. De là elles partirent sous escorte vers le château de Pont-de-Vie, au Poiré. « Toutes deux sont placées, sanglantes, sur une voiture d’ambulance, et dirigées vers les Sables. Comme la voiture s’éloignait, un officier républicain s’en approche au galop, et jette en passant un mouchoir blanc aux jeunes prisonnières, comme pour étancher le sang qui couvrait leur figure. Ce mouchoir contenait, noué dans un des coins, plusieurs pièces d’or » (6).

Quelques jours après, Charette fut capturé dans le bois de la Chabotterie et fusilléà Nantes le 29 mars 1796. La guerre était à peu près finie. Mlle de La Rochette recouvra la liberté, rentra dans le Bocage où elle épousa Louis-Marie de Chantreau (7), ancien officier de Lescure, le 28 septembre de cette même année (8). Elle eut de lui une fille, Louise (1807-1892), qui se mariera à Luçon, le 11 avril 1826, avec Charles de Maynard de La Claye, dont le nom est gravé au fronton de la chapelle où repose Adélaïde.

Notre héroïne vendéenne endura une dernière épreuve lorsqu’elle perdit l’usage de ses yeux. « Ah ! mes bons amis ! disait-elle avec un accent de résignation sereine, il n’est pas étonnant que je sois devenue aveugle : j’ai tant pleuré dans ma vie ! » (9) Elle rendit son âme à Dieu le 15 octobre 1858, à l’âge de 78 ans, à Saint-Florent-des-Bois. 
   

Saint-Florent-des-Bois 3L'intérieur de la chapelle de Maynard de La Claye, avec la plaque en mémoire de Louis-Marie de Chantreau et d'Adélaïde Poictevin de La Rochette (à droite)
      


Notes :

  1. A. de Brem, Nécrologie, Madame de Chantreau, Revue de Bretagne et de Vendée, t. IV, 1858, pp. 470-472.
  2. Face à 1.200 fantassins et 80 cavaliers républicains (Mémoires de l’abbé Remaud, manuscrit, fonds Barante, A.D. 85, 286 J 8, vue 117/129). 
  3. Mémoires, op. cit., vue 121/129.
  4. Ibidem.
  5. Et non celui de la Chabotterie, comme on le lit parfois. 
  6. Théodore Muret, Histoire des guerres de l’Ouest, 1848 (rééd. Pays et Terroirs, 2002), t. II, p. 361. 
  7. Sur cet officier vendéen, on lira l’article d’Éric-Marie Guyot, Le chevalier de Chantreau, officier de Lescure, Revue du Souvenir Vendéen : 1re partie, n°172 (septembre-octobre 1990), pp. 21-28 ; 2e partie, n°173 (décembre 1990 – janvier 1991), pp. 35-38.
  8. Date indiquée, sans lieu, par le Dr Julien Rousseau, Charette, chevalier de légende, Beauchesne, 1963, p. 111. Je n’ai pas trouvé d’acte de mariage à leur nom.
  9. A. de Brem, op. cit., p. 472.
       

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