Exceptionnellement ouvert au public pour les Journées du Patrimoine, l’hôtel Cesbron-Laroche a reçu hier, dans ses salons du XVIIIe siècle, de nombreux visiteurs friands d’histoire. La demeure fut en effet l’une des rares bâtisses choletaises préservées des destructions de la Révolution.
Le porche de l'hôtel Cesbron-Laroche
L’hôtel Cesbron-Laroche fut édifié par un négociant en toiles en 1774, en même temps que l’hôtel Bourasseau de La Renolière (actuelle Maison des Œuvres) qui le jouxte (1). La famille Moricet, qui en hérita quelques années plus tard, occupait les lieux lorsque la Révolution éclata.
La mort tragique de M. Moricet
Le nom des Moricet apparaît dans les chroniques vendéennes après de la conquête de Cholet par les insurgés des Mauges, le 14 mars 1793. Alarmé par la progression des rebelles, le district de Vihiers reçut le lendemain trois individus porteurs d’une mission d’importance. Introduits à la séance où l’on avait convoqué un conseil de guerre pour les entendre, ils déclarèrent avoir mandat d’engager la garnison de Vihiers à se rendre sans résistance aux révoltés qui avaient pris Cholet et qui marchaient sur Coron. Cette demande souleva l’indignation. On se saisit des émissaires, M. Genest de Belair, juge au tribunal civil de Cholet ; et deux négociants, MM. Duchesne-Vinet et Moricet l’aîné, le propriétaire de l’hôtel Cesbron-Laroche. Aussitôt arrêtés, on les transféra la nuit même à Saumur. Ils y furent massacrés avec leurs deux domestiques, le lendemain 16 mars, sur la place de la Bilange, par une populace avertie de leur arrivée. La garde eut de la peine à défendre leurs cadavres et il fallut battre le rappel pour protéger la prison où avaient été enfermés 37 paysans insurgés envoyés la veille (2).
Le salon où le duc d'Angoulême fut reçu en 1814
Une bâtisse miraculeusement préservée
Devenue veuve par la cruauté des républicaines, Madame Moricet reçut à plusieurs reprises les chefs vendéens dans sa maison. L’hôtel Cesbron-Laroche fut toutefois épargné par les destructions et les incendies qui ravagèrent Cholet sous la Terreur, car il dut son salut à son occupation par les autorités républicaines, civiles et militaires. Il en fut de même pour son voisin, l’hôtel Bourasseau de La Renolière, qui abrita dans son aile droite le comité révolutionnaire de Cholet, après la reprise de la ville par les Bleus, le 17 octobre 1793.
Détail des corniches dans le salon
Une visite royale
Le 6 juillet 1814, la cour de l’hôtel Cesbron-Laroche était pavoisée, ses salons illuminés et fleuris : pour la première fois depuis le soulèvement de 1793, le roi envoyait un représentant, son neveu, le duc d’Angoulême (3), rendre visite aux Vendéens. Et c’est la maison de Madame Moricet qui fut choisie comme la plus digne de recevoir cet hôte royal. Tous les notables, les habitants de la ville et un grand nombre d’anciens combattants de la Grande Armée catholique et royale se pressaient afin d’acclamer l’envoyé des Bourbons. Ce dernier ne se montra pourtant pas à la hauteur de leurs espérances. Remerciant au nom du roi leur engagement pour la cause royale, il se contenta de leur demander de déposer les armes et de payer leurs impôts… Le curé de Saint-Pierre, M. Hudon, ancien aumônier vendéen qui avait fait la Virée de Galerne, lui répondit dans son discours en soulignant l’ingratitude du gouvernement et en concluant par un « vive le roi quand même ! » Les salons parisiens retentirent bientôt de ce mot du curé de Saint-Pierre de Cholet et firent l’éloge de son auteur.
Panneau sculpté sur le thème de la chasse dans la salle à manger
Dernière anecdote soulignant l’attachement de Madame Moricet à la cause royale, son petit-fils deviendra le secrétaire particulier du comte de Chambord.
Détail de la cheminée de la salle à manger
(1) Madame Cesbron-Laroche était la sœur de Madame Bourasseau de La Renolière.
(2) Célestin PORT, La Vendée angevine. Les origines, l'insurrection, Paris, Hachette, 1888, tome 2, p. 138
(3) Fils du futur Charles X, il avait épousé la fille de Louis XVI et Marie-Antoinette.