Au fond du cimetière de Saint-André-de-la-Marche, se dresse une grande croix encadrée par deux tombes, dans l'axe de l’allée principale. C’est ici que repose l’abbé Urbain-Charles Favreau, qui fut curé insermenté de la paroisse pendant la Révolution.
La plaque à la mémoire des curés de Saint-André-de-la-Marche
Une plaque d’ardoise scellée à la base de cette croix indique à cet endroit la sépulture de plusieurs prêtres de la paroisse, à commencer par « Charles Favreau, 1787-1829, 71 ans ». Mais la pierre tombale de ce prêtre, qui fut le témoin de la Révolution à Saint-André-de-la-Marche, se trouve en fait à l’arrière du monument. Érodée par le temps, on peut à peine y lire le nom de Favreau et le reste des inscriptions, comme on le voit ci-dessous :
La tombe des prêtres de Saint-André-de-la-Marche
À l'arrière, la pierre tombale de l'abbé Favreau
Le nom de « Favereau », à peine lisible
La date de la mort de l'abbé Favreau, 1829
La pierre tombale de l'abbé Favreau,
cachée derrière celle des prêtres de Saint-André-de-la-Marche
Son refus du serment l’envoie dans la clandestinité
Qui était ce prêtre ? Urbain-Charles Favreau est né le 13 février 1758 au May-sur-Èvre (son nom est noté« Favereau » sur l’acte de baptême). Il était le fils d’Urbain Favreau, marchand tanneur, et de Marie-Marthe Réthoré, qui était d’ailleurs originaire de Saint-André-de-la-Marche (1).
Acte de baptême d'Urbain-Charles Fav(e)reau (A.D. 49)
Après des études au Grand Séminaire d’Angers, il reçut la tonsure le 7 juin 1781 dans l’église du May-sur-Èvre, au cours d’une grande cérémonie présidé par l’évêque de La Rochelle, Mgr de Crussol d’Uzès. Elle réunissait « 90 ordinands, savoir 42 du diocèse d’Angers, 18 du diocèse de La Rochelle, 11 du diocèse du Mans, 7 religieux bénédictins, 1 dominicain et 11 clercs de différents diocèses » (2).
Urbain-Charles Favreau est cité en tant que vicaire dans le registre paroissial Saint-André-de-la-Marche à partir du 9 janvier 1787, et jusqu’au 31 mars 1790. Il fut ensuite nommé desservant de Bégrolles. Son refus du serment constitutionnel en 1791 le fit disparaître dans la clandestinité pendant plusieurs années marquées par la guerre civile.
Il réapparut le 15 juillet 1795, quand le Père Supiot, missionnaire montfortain (3), lui attribua le titre de desservant de Saint-André-de-la-Marche, paroisse où il exercera son ministère pendant deux ans.
Localistion du canton de Saint-André-de-la-Marche sous la Révolution
Nouvelles persécutions, nouvelle clandestinité
L’instauration par le Directoire d’un nouveau serment, cette fois « de haine à la royauté, attachement et fidélitéà la République et à la Constitution de l'an III », eut des effets dans le canton de Saint-André-de-la-Marche après le coup d’État jacobin du 18 fructidor an V (4 septembre 1797). Les prêtres réfractaires, qui avaient pu assurer leur ministère dans une relative tranquillité depuis la fin de la Grande Guerre, furent appelés à prêter ce serment. Aucun ne se présenta aux autorités. En représailles, l’abbé Favreau, mais aussi le curé Gaudin de Saint-Macaire-en-Mauges, le curé Buchet de La Séguinière, et le curé Davy de Saint-Philbert-en-Mauges, furent décrétés d’arrestation sur ordre du ministre de la Police.
L’administration cantonale ne prit guère de mesures cependant, ni pour se saisir de ces prêtres, ni même pour interrompre le culte catholique. Le dimanche 3 mars 1799 par exemple, un brigadier de gendarmerie fut surpris de trouver l’église de Saint-André-de-la-Marche pleine de fidèles. Il dut la fermer lui-même, sans le soutien des municipaux, et abattit la croix de mission avec l’aide d’un autre gendarme.
L’abbé Favreau retourna donc dans la clandestinité. Il y resta jusqu’au coup d’État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), qui éloigna les menaces contre les réfractaires, et reprit son ministère au grand jour. Il célébra ainsi douze baptêmes le 23 décembre 1799, et vingt autres le lendemain (4).
La paix religieuse fut rétablie après la signature du Concordat en 1801. L’année suivante, le 10 décembre 1802, l’abbé Favreau fut maintenu dans ses fonctions de curé de Saint-André-de-la-Marche par l’évêque d’Angers, Mgr Charles Montault-Desilles (5), et prêta le serment concordataire le 22 décembre.
Il rendit son âme à Dieu le 11 mars 1829 à Saint-André-de-la-Marche et repose depuis cette date dans le cimetière de la commune.
L'acte de décès d'Urbain-Charles Fav(e)reau (A.D. 49)
La tombe des prêtres de Saint-André-de-la-Marche
Notes :
- A.D. 49, état civil du May-sur-Èvre, BMS 1751-1770, vue 234/612, pour la naissance. Le mariage des parents, à la date du 28 janvier 1755, est à la page 133/612.
- F. Uzureau, Une ordination au May-sur-Èvre (1781), L’Anjou historique, 1919, pp. 128-134. La paroisse du May-sur-Èvre se trouvait à l’époque tout au nord du diocèse de La Rochelle.
- Il était délégué par M. Brumauld de Beauregard, vicaire général de Luçon.
- Louis Tricoire, Saint-André-de-la-Marche, cinq siècles de vie paroissiale, 1971, p. 38.
- Ancien évêque constitutionnel de la Vienne, Charles Montault-Desilles (1755-1839) fut nomméévêque concordataire d’Angers en 1802, en remplacement de Mgr Couët du Vivier de Lorry, qui fut placé la même année à la tête du diocèse de La Rochelle. À noter que son frère, Pierre Montault-Desilles, fut nommé en 1800 préfet du Maine-et-Loire.